Le sommet des grandes puissances à Evian s'est penché sur les cas d'un continent à la dérive et d'une économie quelque peu morose. Il n'y eut pas de grand show, l'ambiance étant plutôt crispée - référence aux différends ayant opposé Américains et Européens à propos de l'Irak - les invités du président français, Jacques Chirac, se sont voulus studieux, moyen de dépasser les frictions de ces derniers mois. De fait, le sommet du G8 s'est scindé en deux périodes, celle tout d'abord d'un sommet élargi qui s'est tenu dimanche - ouvert au groupe africain, représentant le Nepad, aux pays émergents, dans les personnes des présidents brésilien et mexicain et du Premier ministre de Malaisie, président en exercice des Non-alignés - suivi hier par le sommet proprement dit des grandes puissances du Groupe des Huit (G8, Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Japon, Italie et Russie). Le maître mot prononcé à Evian était sans conteste celui de «confiance». tous se sont accordés à restaurer une confiance plutôt délabrée. Et c'était encore plus ardu à rendre le crédit à des hommes qui se sont trouvés défendre, ces derniers mois, des visions différentes de la paix dans le monde. Aussi, est-il compréhensible que l'accent soit mis avant toute chose sur le retour de la confiance, sans laquelle rien de positif ne peut être entrepris. Ce qu'ont tenté de faire les présidents français (hôte du sommet) et son homologue américain qui s'ingénièrent à donner le ton à la réconciliation. Ce qui fit dire au président Bush: «Nous devons travailler avec nos alliés, comme la France, pour parvenir au succès.» L'Afrique a occupé le devant de la scène à Evian - ce qui tend à devenir une coutume des rencontres du G8 - dans l'espoir que les grandes puissances l'accompagnent de façon positive et active dans la mise en oeuvre du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (Nepad). Cependant, il faut bien convenir que les promesses faites en 2001 à Venise (en Italie), celles de l'an dernier lors du sommet de Kananaskis (au Canada) sont, sinon restées vaines, du moins éprouvent des difficultés à se voir concrétiser. Et l'Afrique aujourd'hui a plus besoin d'action que de promesses. En fait, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, résume bien ce dilemme de l'Afrique lorsqu'il appelle le G8 à de nouveaux efforts sur l'allègement de la dette - véritable goulot d'étranglement pour le développement en Afrique - l'accès aux marchés - qui demeurent fermés aux productions du continent -, l'aide publique au développement. M.Annan incite ainsi les grandes puissances à «l'allègement de la dette» qui, affirme-t-il, «doit être plus grand». Parlant des pays en développement il dira: «Leur accès aux marchés mondiaux doit être amélioré, ce qui exige, souligne le secrétaire général des Nations unies, une réduction des subventions agricoles et l'élimination des barrières tarifaires», plaidant enfin pour que «(...) l'aide publique au développement (...) soit plus importante et de meilleure qualité pour permettre de procéder aux réformes nécessaires». Lors du sommet élargi les représentants africains ont examiné avec les Huit, l'état d'avancement du «plan d'action pour l'Afrique» qui formalise des priorités et des mises à niveau dans le continent, notamment par la mise en oeuvre de réformes politiques et économiques, condition sine qua non, posée par le G8, pour la concrétisation de l'aide globale à l'Afrique. Ces réformes doivent, en outre, créer le cadre adéquat à l'investissement direct étranger. Dans cette perspective, le président américain, George W.Bush, a rappelé l'initiative de Washington de débloquer 15 milliards, sur cinq ans, devant contribuer à la lutte contre le fléau du sida qui touche 14 pays d'Afrique (notamment en Afrique australe), des Caraïbes et du Pacifique. Ne voulant pas être en reste, le président Jacques Chirac a indiqué, pour sa part, que «(...) l'effort américain suppose une coopération internationale, que chacun accepte de faire le même effort (...) j'ai comme une impression que l'Europe relèvera le défi, c'est à dire qu'elle fera aussi son milliard de dollars», annonçant dans la foulée le triplement de la contribution française au Fonds mondial de lutte contre le sida, la portant de 50 à 150 millions d'euros par an. L'autre thème sur lequel les Huit se sont penchés est celui de la croissance mondiale où la déflation guette nombre de pays développés en premier lieu les Etats-Unis et l'Allemagne. Aussi, le G8, dont le sommet s'est ouvert officiellement hier, allait-il examiner au scanner une économie en panne, un investissement plutôt mou, des marchés perturbés, alors que les consommateurs sont enclins à l'attentisme. Au plan politique, c'est évidemment le terrorisme, la situation en Irak et au Proche-Orient, les affaires du nucléaire nord-coréen et iranien, qui ont mobilisé les débats. Un communiqué final devra clôturer aujourd'hui un sommet du G8 quelque peu spécial à tous les points de vue. Notons que le président américain, George W.Bush, a écourté son séjour à Evian, quittant le sommet, hier plus tôt que prévu, devant rejoindre Charm el Cheikh ou s'ouvre aujourd'hui un sommet avec les pays arabes «modérés» autour de la question du conflit israélo-palestinien.