Tous les anonymes ont le même mérite que leur ministre, à la différence que ce dernier encaisse seul la grogne des citoyens. Depuis le premier jour du séisme qui a ravagé le centre du pays, le ministre de l'Intérieur est sur tous les fronts. Visitant tous les points touchés par le tremblement de terre, Yazid Zerhouni a été la plus haute personnalité de la République, après le chef de l'Etat, à affronter l'ire des sinistrés, contre les lenteurs constatées pour la prise en charge des victimes du tremblement de terre. C'est Zerhouni qui a assumé seul, disons-le, la défaillance de l'administration dans l'organisation des secours. Mais beaucoup d'observateurs lui reconnaissent un sang-froid sans pareil et une patience à toute épreuve, devant l'ampleur de la tâche. Critiqué, voire insulté par des sinistrés dans le désarroi, Zerhouni dirigeait les opérations sur un terrain miné par une contestation légitime et une lourdeur administrative difficilement compréhensible au vu de la gravité de la situation. La froideur de l'homme et son esprit méthodique viennent du fait qu'il a débuté sa carrière dans le renseignement pendant la Guerre de Libération nationale où il a servi sous les ordres de Boussouf au ministère de l'Armement et des Liaisons générales (Malg), avant d'intégrer, au lendemain de l'indépendance, les «services opérationnels» de l'ancienne Sécurité militaire (SM). Son parcours au sein des services secrets algériens ne s'est pas arrêté en si bon chemin, puisqu'il opère sous la direction de Kasdi Merbah auquel il succède en 1979. Autant dire que le ministre de l'Intérieur a un profil d'homme de terrain pour qui, seul, le résultat compte. Sur ce chapitre, il faut lui reconnaître une gestion impeccable des inondations de Bab El-Oued où, après un flottement, les secours et autres opérations de prise en charge ont été menés de sorte que les sinistrés, même les plus contestataires, ont constaté l'efficacité du dispositif. Même la tentative islamiste de récupération politicienne du drame a lamentablement échoué. Avant cela, l'opinion retient de lui l'excellente maîtrise de l'organisation du sommet de l'OUA en juillet 1999. Cela dit, l'homme n'aligne pas que des succès. Sa gestion de la contestation citoyenne en Kabylie lui a valu une très mauvaise presse, au point que l'on s'attend à une «gaffe verbale» à chaque fois qu'il s'exprime sur le sujet. Pourtant son cursus témoigne d'une carrière de diplomate. En effet, dans les années 80, Zerhouni est nommé ambassadeur à Washington, Mexico et Tokyo, des capitales qui comptent énormément dans la politique étrangère de l'Algérie. Mais il n'empêche que l'homme ne semble pas s'arrêter sur un échec et poursuit son travail de haut commis de l'Etat, aidé en cela par des milliers de fonctionnaires de police, de cadres de collectivités locales et de pompiers qui se sont donnés à fond sans attendre un ordre de qui que ce soit. Juste une petite remarque : Zerhouni encaisse bien pour un ministre qui a eu à gérer deux catastrophes majeures et un mouvement de protestation sans précédent dans l'histoire de l'Algérie indépendante.