On constate une multiplicité d'intervenants. On vu M.Hamimid réfléchir à haute voix au cours de l'entretien: «Faut-il reclasser Alger en zone III?». La situation d'urgence induite par le cataclysme du 21 mai crée de nouveaux automatismes, une nouvelle manière d'aborder le réel, loin des bureaux ministériels feutrés et des dossiers qu'on renvoie de bureau en bureau. Les ministres sont obligés d'aller au charbon pour être plus près des gens, ce que n'a pas manqué de faire un homme de terrain comme M.Hamimid, qui a eu à gérer plusieurs wilayas en tant que wali. La réflexion accompagne l'action, et vice versa. «Alors faut-il reclasser Alger en zone III?» se demande le ministre de l'Habitat. «C'est une hypothèse. On attend les résultats d'analyse du CGC!». La question mérite d'être posée au vu de la nature de la faille ouverte le 21 mai 2003, qui remet en cause bien des idées reçues. En tant que ministre de l'Habitat, M.Hamimid est interpellé depuis la nuit du mercredi noir sur le respect des normes parasismiques dans la construction. «Il faut faire attention à ce qu'on dit. Il y a de nombreux cadres de valeur qui font convenablement leur travail». Certes, il y a quelques brebis galeuses qui, pour une raison ou une autre, piétinent la législation, mais «il ne faudrait pas jeter le discrédit sur tout l'encadrement du secteur. Le risque, ce serait d'aller vers l'immobilisme». Les chiffres donnés par M.Hamimid parlent d'eux-mêmes et indiquent que depuis 1981, à la suite du tremblement de terre d'El-Asnam, les normes parasismiques sont prises en considération. Ainsi, sur un total d'immeubles effondrés à Boumerdès, 22 % ont été édifiés avant l'indépendance, 41 % ont été construits entre 1962 et 1980. Seulement 22 % datent de la période se situant entre 1980 et 1996. C'est à cette date que la législation a été durcie, et c'est la raison pour laquelle on remarque que 15 % des bâtiments effondrés ont été réalisés entre 1997 et 2003. Il ne s'agit pas de dédouaner qui que ce soit, mais d'étudier les chiffres pour voir à quel niveau se situent les faiblesses dans la structures des bâtiments. Et sur le total des 21.000 logements gérés par les Opgi, ce qui est effondré représente à peine 11 %. «A la cité Dragados de Boudouaou par exemple, où le système du radier général a été utilisé, les bâtiments ont tenu bon et il n'y a pas eu de dégâts considérables.» La nouveauté avec cette faille qui est partie de la mer, c'est qu'on est amené à se poser un autre type de questions, notamment dans les études de sol. Ainsi des études de microzonation vont être réalisées à l'effet de déterminer s'il faut, à l'avenir, continuer à construire à proximité des failles. Dans ces conditions, et en tenant compte de ces paramètres, une nouvelle carte de l'urbanisme sera élaborée Le ministère de l'Habitat n'est comptable que des bâtiments gérés par le secteur. Reste le privé. «On pense déjà à rendre obligatoire l'application des normes parasismiques aux constructeurs privés». Une nouvelle législation est en préparation au niveau du ministère de l'Habitat qui sera bientôt soumise au Parlement. Le secteur des assurances sera également concerné par ce vent de réformes, puisque le Président de la République en a donné l'ordre. Jusqu'au jour d'aujourd'hui, les polices d'assurances, y compris en cas d'assurances tout risque, ne prennent pas en charge le sinistre causé par un tremblement de terre. Ce qu'on remarque, cependant, dans la mise en oeuvre des normes parasismiques, c'est la trop grande multiciplicté des intervenants. Le CTC n'est pas seul à gérer ce dossier. Pour les études de sol, le maître de l'ouvrage doit s'adresser à un bureau d'études spécialisées. Idem pour le plan de ferraillage. Si on additionne ces organismes au bureau d'architectes, à la Duch, à l'APC, on s'aperçoit que c'est un parcours du combattant qui n'en finit pas, qui peut amener la personne qui veut construire à s'intéresser beaucoup plus au visa d'un bureaucrate qui bloque son projet de construction, qu'à une question vitale pour la solidité de son édifice. Et pour peu que ces divers organismes et administrations soient situés dans des communes différentes et éloignées, c'est la galère. Ne faudrait-il pas songer déjà à mettre en place une sorte de guichet unique pour faciliter les démarches aux promoteurs, comme cela a été décidé pour l'investissement? Quel est le but ultime poursuivi par le législateur: imposer des normes parasismiques strictes ou bien empoisonner la vie des citoyens? En tout état de cause, la bureaucratie est toujours mauvaise conseillère. Il y a, bien sûr, un autre dossier épineux. C'est celui du contrôle des matériaux de construction. «Ce volet ne dépend pas de notre département, avoue M.Hamimid. Mais c'est aussi un dossier qu'il faut probablement ouvrir». Certes, on ne peut passer sous silence la déliquescence qui a prévalu dans le secteur du bâtiment, déliquescence due, en partie, à la bureaucratie, en partie à la course au gain facile, en partie à la crise du logement qui a poussé les gens à vouloir aller vite sans tenir compte des risques encourus, mais c'est vrai aussi qu'on ne doit pas jeter la pierre à tous les professionnels du secteur. Le séisme du 21 mai a fait apparaître de nouvelles priorités, comme la nécessité de se pencher sur la faille pour en définir avec précision les caractéristiques, de préparer une nouvelle batterie de textes législatifs et réglementaires, de mener des études de sol, de faire de bons ferraillages et de ne pas surdimensionner les bâtisses.