Pour la fiabilité de l'Union, Alger et Rabat sont condamnés à s'entendre. «Ma visite intervient à l'invitation de M.Abdelaziz Belkhadem et fait suite à celle effectuée par ce dernier en février (passé) au Maroc.» C'est en ces termes que le ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération, M.Mohamed Benaïssa, a commenté sa venue hier à Alger. Sa visite officielle de deux jours répond, en effet, à une invitation de son homologue algérien Abdelaziz Belkhadem, qui avait fait un séjour similaire il y a quelques mois au Maroc et s'inscrit dans le cadre de la concertation organisée entre les deux pays sur les questions d'intérêt commun qui intéressent à l'heure actuelle les deux pays. Accueilli à son arrivée par son vis-à-vis algérien, le chef de la diplomatie du royaume chérifien, dans une déclaration à la presse, a indiqué que cette visite permettra aux responsables des deux pays d'examiner plusieurs questions pour consolider la coopération bilatérale entre les deux parties. Il a aussi saisi cette occasion pour exprimer «la compassion du peuple marocain avec le peuple algérien» et présenter ses condoléances aux familles des victimes du séisme qui a frappé le secteur Est de la capitale le mois dernier. Par la suite, les deux chefs de diplomatie se sont entretenus en tête à tête à la résidence El-Mithak, élargi ensuite à l'ensemble des membres des deux délégations. Au vu de la composition de ces dernières et de la durée du séjour de l'hôte marocain, l'ordre du jour de cette visite semble autant varié que très chargé. Il est vrai que de l'avis de nombre d'analystes des affaires maghrébines, les thèmes de discussions ne manquent pas: coopération économique, échanges commerciaux, ouverture des frontières terrestres entre les deux pays fermées depuis août 1994, dossier sahraoui, sommet des chefs d'Etat de l'UMA, celui de ces derniers avec leurs homologues des cinq pays de la rive occidentale de la Méditerranée (sommet des 5+5), situation au Proche-Orient, etc. Ce n'est un secret pour personne que sur tous ces sujets, Alger et Rabat n'ont pas que des points de vue convergents. D'ailleurs, sur au moins deux ou trois sujets, les divergences entre les deux capitales restent persistantes. D'abord sur les appréciations respectives des deux pays concernant le vieux et lourd dossier sahraoui qui est toujours pendu pour règlement au sein des institutions des Nations unies. Ensuite, sur la question de l'ouverture des frontières terrestres entre l'Algérie et le Maroc et dont ce dernier fait un préalable avant toute discussion sur une édification maghrébine fiable. Un dossier vu par Alger comme devant être réglé dans le strict cadre bilatéral. Enfin sur la date du sommet de l'UMA où les tractations ne sont jamais arrêtées pour le faire réunir le plus rapidement possible, au moins depuis la décision prise, au début du mois de janvier dernier par les ministres des Affaires étrangères des 5 pays du regroupement de fixer une date pour la rencontre au sommet «par des canaux diplomatiques.» Cela se fera-t-il à l'issue de cette visite de Mohamed Benaïssa à Alger? Difficile de trancher même si les pays de l'Union maghrébine sont tenus par une échéance qui pointe à l'horizon: celle du sommet des 5+5 prévu à Tunis en décembre prochain. Faut-il rappeler qu'il y a quelques semaines, le président tunisien avait souhaité la tenue du sommet des chefs d'Etat de l'UMA avant cette rencontre interméditerranéenne? Autrement dit, malgré tout ce qui s'apparente à de «profonds contentieux» entre Rabat et Alger, les deux pays sont condamnés à s'entendre au moins pour donner à leurs vis-à-vis européens une image positive de leur homogénéité politique et économique et un tant soit peu de crédibilité à leur intégration maghrébine.