Quel Maghreb, quel Machrek pour les Arabes? En son temps le président George W. Bush a rêvé d´un «Grand Moyen- Orient» (Great Middle East-GME- englobant le Moyen-Orient et l´Afrique du Nord), voeu pieux resté sans lendemain. Il est patent que cette vaste région du monde, phagocytée par des autocrates au long cours, avait besoin non point d´un simple lifting mais bien d´un grand coup de balai. Ce «changement» n´était en fait, pour les Américains, que le moyen de chercher à «réformer» le Monde arabe sans remettre en cause leurs alliances, encore moins les assises des régimes en place dont dépendent grandement leurs intérêts. Mais, voilà que les peuples arabes se défaisant de tout tutorat, accomplissent par eux-mêmes «leur» révolution, leur sahwa (éveil) qui prend à contre-pied politiques et «experts» du Monde arabe qui n´ont à aucun moment, seulement pensé une telle chose réalisable, et de plus, contaminant l´ensemble des pays arabes, tous en effervescence, y compris les Territoires palestiniens occupés. C´est tellement vrai, que l´administration Barack Obama ne sait plus sur quel pied danser et où devraient aller ses priorités: vers les peuples arabes par le soutien à leur demande de démocratie et de liberté ou adopter le profil bas et ménager des dirigeants arabes discrédités mais qui ont toujours su renvoyer l´ascenseur à Washington? Cela apparaît nettement dans les réactions à deux vitesses du président Obama dans la manière très ferme et - même - en avant- garde avec laquelle il appréhende la situation en Libye, alors qu´il a été plus nuancé envers l´Egypte, avant la chute de Moubarak, et l´est encore à propos du Yémen où pourtant, le nombre des victimes s´alourdit de jour en jour. De fait, l´administration Obama, qui ne s´attendait pas à ce que la révolte tunisienne finisse par déteindre sur l´ensemble du Monde arabe, se trouve face au dilemme imprévisible de savoir comment récupérer cette «révolution» arabe sans que, pour autant, elle ne soit accusée «d´ingérence»? Pas facile, alors que s´accomplit sous son administration, le «changement» rêvé par son prédécesseur George W. Bush. Le projet de l´ex-président républicain américain, qui date de 2004, a rencontré à l´époque une grande opposition de la part des dirigeants arabes, effarouchés à l´idée que l´on vienne les enquiquiner dans leur jardin. Cependant, ils ont également compris qu´il ne fallait pas trop tirer sur la corde, s´entendant lors du Sommet arabe de Tunis (2004) pour adopter des «réformes à la carte» aux conditions et rythme voulus par chaque pays arabe. En fait, lorsque les Arabes parlent de «réformes», alors que cette option ne leur a jamais effleuré l´esprit avant que la superpuissance américaine ne décide de «démocratiser» leur région avec son projet de «Grand Moyen-Orient» (GMO), c´était surtout pour gagner du temps. Sept ans après cette «grave» décision de réformer leurs systèmes de gouvernance, les pays arabes restés sur leur quant-à-soi, n´ont pas avancé d´un iota. Ces réformes ont même été renvoyées aux calendes grecques. Le GMO, sinon oublié, n´était plus la préoccupation de l´heure, chaque régime arabe reprenait son petit train-train, accordant très peu d´attention aux revendications de leurs peuples, lesquelles devenaient de plus en plus tranchantes. Aussi, alors que les dirigeants arabes - qui n´ont tiré aucun enseignement des bouleversements politiques des dernières décennies - restaient accrochés à leurs pouvoirs despotiques, leurs peuples sont devenus plus mûrs, plus réceptifs à la chose politique jusqu´à décider de prendre leur destin en main en réalisant leur révolution et en faisant tomber les bastions de l´autocratie. Le danger qui guette aujourd´hui cette révolution c´est son caractère spontané, qui pense l´instant sans envisager clairement l´avenir. D´où la menace de voir leurs révoltes récupérées sinon par les régimes déchus, du moins par des politiciens véreux et des puissances étrangères bien intentionnées.