Le changement! Nous y voilà, de l´Atlantique au Golfe, les peuples arabes réclament le changement, une mutation qui ne vient pas et n´est, en fait, jamais venue. A peine esquissé, au début des années 2000, le projet de l´ancien président américain, George W.Bush, qui lança l´idée du «Grand Moyen-Orient» - prévoyant de vastes réformes dans le Monde arabe - fut rapidement neutralisé par les dirigeants arabes s´en tenant plus que jamais au quant-à-soi. Avec les effervescences qui touchent aujourd´hui le Monde arabe, alors que les peuples contestent uniment les autocraties qui les gouvernent sans partage, l´idée même des «réformes», proposée donc en 2003 par le président américain, est aujourd´hui dépassée, battue en brèche par des exigences populaires autrement plus essentielles, plus proches des préoccupations des peuples arabes et surtout plus en prise avec leur réalité quotidienne. Si l´objectif du «GMO», mode américain, était de mieux contrôler les mondes arabe et musulman en instaurant une façade démocratique (en effet, G.W.Bush englobait dans cet ensemble le Maghreb, le Moyen-Orient et les pays musulmans d´Asie), les peuples arabes - qui ont renversé Ben Ali en Tunisie, menacent d´en faire de même pour Moubarak en Egypte et d´autres potentats arabes - ont une autre vision moins sophistiquée et plus objective: rendre le pouvoir au peuple souverain. Tout, en fait tient dans cet axiome de «pouvoir au peuple souverain» lequel peuple délègue ce pouvoir à un représentant dûment élu, pouvant, à tout moment, être révoqué. Ce schéma est théorique car la réalité est autre. «Par le peuple et pour le peuple» est ainsi inscrit au fronton des institutions de la République (en Algérie, du moins) mais dans les faits, rien de plus inexact dès lors que le peuple n´a pas droit de regard sur l´action de ceux qu´il est censé avoir élu, qui se comportent en oligarques. Cela n´est guère propre à l´Algérie et l´on retrouve, dans le Monde arabe, cette norme qui fait des républiques et monarchies arabes des oligarchies dont est exclu le premier concerné: le peuple. Or, voici que ce dernier se réveille et réclame son bien, «le pouvoir souverain» confisqué par des classes restreintes et privilégiées. Aussi, la question du changement n´est plus un simple effet d´annonce mais constitue une revendication légitime aujourd´hui prise en charge par le peuple qui causa la chute de Ben Ali et met en difficulté Moubarak (l´Egypte entre dans sa quinzième journée de contestation). Or, il y a un véritable fossé entre ce qu´exigent les peuples arabes et ce que les régimes arabes sont prêts à céder. La résistance de Moubarak, malgré son «lâchage» par ses alliés occidentaux, en dit long sur ce que ces «hommes forts» sont disposés à concéder à leurs peuples. La contestation qui fait tache d´huile touche l´ensemble des pays arabes où leurs dirigeants sont plus que jamais sur la défensive. Reste toutefois la question de savoir jusqu´où les souverains et chefs d´Etat arabes sont prêts à aller et quelles seront les portées et dimensions réelles des réformes qu´ils se disent disposés à engager? Toucheront-elles aux domaines dit de souveraineté (libertés collectives et individuelles, démocratie, gouvernance, droits de l´homme), lesquels induisent autant un blocage dans l´émancipation des pays arabes, qu´ils freinent une véritable coopération inter-arabe. Or, pour réformer les pays arabes, il faudrait d´un côté, aller vers des monarchies constitutionnelles, ce qui implique pour les monarques l´abandon d´une part, sinon la totalité, de leurs pouvoirs au profit de gouvernements élus, le roi devenant le symbole de l´unité de la nation, de l´autre, l´avènement dans les Républiques arabes de pouvoirs et de gouvernements démocratiques, dont la légitimité est fondée sur l´alternance au pouvoir. Les pouvoirs en place sont-il disposés ou aptes à un tel saut qualitatif? Permettez-nous d´en douter.