Beaucoup de zones d'ombre et d'anomalies entachent un secteur où la désorganisation est générale et les intérêts financiers en jeu, colossaux. Les services d'appui aux entreprises sont d'une importance telle que les ministères de la PME et de l'Industrie les ont inscrits comme étant un de leurs principaux objectifs pour les années à venir. Parmi les services d'appui à développer, figure le conseil aux entreprises; un métier en voie d'émergence en Algérie. C'est aussi, hélas, un secteur dominé par les cabinets de conseil européens. Mieux organisés, recourrant au lobbying et bénéficiant des liens qu'ils sont tissés dans les années soixante-dix où l'industrialisation du pays était en vogue. Ce qui a permis à des cabinets étrangers, notamment français et nord-américains de tisser de précieux liens, c'était l'époque des grandes études de réorganisation, de planification et d'amélioration des processus de gestion. Le ministère de l'Industrie et de l'Energie était le plus grand bénéficiaire de l'expertise occidentale. Cette dernière fait, aujourd'hui une véritable chasse gardée du métier de consulting et a recours à des pratiques à la limite du racisme à l'égard des bureaux d'études nationaux dont les experts sont pourtant issus de grandes écoles internationales. Si le programme Meda, dénommé aujourd'hui «Euro Développement PME» est doté d'un budget global de plus de 62 millions d'euros, dont 57 provenant de l'Union européenne et 5 du gouvernement algérien, visant à permettre l'amélioration de la compétitivité des PME privées algériennes; nombreux, sont les chefs d'entreprises, qui constatent que les différents programmes d'aide n'arrivant pas à s'affirmer entièrement sur le terrain, évoquent la lenteur d'exécution des programmes. Ce qui confirme que les dérapages sont légion dans un marché revigoré par les programmes d'assistance de l'Union européenne, relèvent, par ailleurs, des experts. Ainsi, ajoutent encore les observateurs, «paradoxalement et à part quelques nouveaux venus, ce sont les mêmes cabinets qui intervenaient-il y a vingt ou trente ans- qui continuent d'opérer aujourd'hui en Algérie, en faisant jouer leurs anciennes relations pour obtenir des marchés. C'est le cas de Booz Allen & Hamilton, d'Ernest Young, de KPMG et de Price WaterhouseCoopers.» Leur mode d'intervention en Algérie est le même depuis des décennies: donner peu en matière d'expertise et obtenir beaucoup d'argent dans un marché devenant juteux avec les réformes, comme au temps de l'industrialisation. Faisant participer rarement l'expertise algérienne, ils n'hésitent pas à confier des projets en Algérie à de jeunes consultants qui viennent s'aiguiser les dents dans le conseil, chez nous, note-t-on encore. Il a fallu les exigences de l'Union européenne et des pouvoirs publics algériens pour que ces cabinets étrangers daignent, timidement, intégrer des consultants nationaux dans leurs équipes. Et lorsqu'ils le font, ces consultants (généralement issus des grandes universités occidentales) sont sous-payés par rapport à leurs homologues européens. Leur attitude, vis-à-vis des consultants nationaux, peut être caractérisée d'ostracisme, voire de racisme dans certains cas. De leur point de vue, le consultant algérien ne peut être l'égal du consultant européen, même si tous les deux sont issus de la même université. Il convient de noter que par rapport aux attentes des opérateurs algériens, les résultats ne sont pas au rendez-vous, et ce malgré, les sommes dépensées en études, diagnostic et évaluation. La raison de cet échec tient, entre autres, à la forte concentration du marché du conseil dans notre pays dans les mains des quelques cabinets cités ci-dessus. Une concentration de type oligopolistique et géographique (cabinets essentiellement français et italiens), signale-t-on avec une légère diversification vers l'expertise allemande et belge. Une faiblesse institutionnelle en Algérie dans le choix des cabinets de conseil: les personnes-ressources du côté algérien, dans la majorité des cas, sont incapables de superviser et d'orienter efficacement ces sociétés, avec enfin un manque de suivi dès la fin des projets, car il est généralement admis que des recommandations importantes présentées par les sociétés ne sont pas mises en oeuvre.