Allons-nous, une nouvelle fois, nous tromper de priorité et, singulièrement, dans le choix que nous aurons à faire pour le devenir de ce pays et de ses enfants? En effet, trêve de tergiversations, le moment est venu de se déterminer et de prendre les décisions qui ne peuvent plus être différées et encore moins renvoyées aux calendes grecques au risque de provoquer d´autres tragédies. Un risque que l´Algérie n´a plus le luxe de pouvoir se payer. Regardons autour de nous, le Monde arabe est en effervescence, le peuple arabe décidant de reprendre la parole et notamment de reprendre en main son destin, longtemps confisqué par des despotes. Il est présomptueux de penser que l´Algérie est immunisée ou non concernée par cette exigence de changement comme de rester à l´écart d´une dynamique qui bouleverse l´échiquier géopolitique du Maghreb et du Moyen-Orient. Les mauvais choix - politique, économique, voire culturel - faits depuis l´Indépendance, les fausses certitudes, élevées aux normes de dogme, outre d´avoir brouillé l´identité du peuple algérien, ont conduit le pays à l´impasse. C´est là une réalité et il faut être de mauvaise foi ou frappé de cécité pour ne pas la discerner et/ou la reconnaître. Or, l´heure du changement a sonné. Un changement qui ne peut plus être ajourné ou détourné par des manoeuvres dilatoires. Aussi, plus on cherchera à gagner du temps, plus le fossé s´élargira entre le peuple et les gouvernants, plus il sera difficile d´éviter l´explosion. D´où la nécessité de ne plus se tromper dans nos choix de projet de société. Ainsi, le changement peut - doit - être pacifique; ce qui induira nécessairement la rupture avec l´ère du diktat, alors qu´un refus pourrait exposer, à terme, le pays à des révoltes dont le prix pourrait être excessif, alors qu´il est assurément possible de faire l´économie d´une nouvelle tragédie. De fait, la réflexion sur le devenir de l´Algérie semble engagée. Encore faut-il que personne ne pose de préalables, ne marque des lignes rouges ou se pose en maître à penser de ce qui serait bon pour le pays, imposant des choix qui se sont, à l´usage, révélés erronés et particulièrement onéreux pour l´Algérie. Aussi, le débat doit-il être ouvert et se dérouler dans la clarté, sans tabous ou idées préconçues. Tirons les enseignements du fiasco de 1988. Nous avons eu 22 ans d´avance, sur ce que vivent aujourd´hui les pays du Maghreb et du Moyen-Orient, dont les retombées ont été dilapidées par ceux-là mêmes contre lesquels le peuple s´était soulevé le 5 octobre 1988. Nous sommes revenus à la case départ, le pays n´ayant tiré aucune dividende de l´expérience ainsi acquise pour fédérer le peuple et construire de concert notre avenir. C´est là justement le noeud gordien du problème: quel avenir peuvent ambitionner les jeunes Algériens qui n´ont que le choix entre la harga, l´exil, le chômage, le travail informel et la mal-vie? Que l´on ne vienne pas nous chanter qu´il s´agit là de problèmes sociaux alors que ce que revendique la jeunesse algérienne est éminemment politique. Autrement dit, il s´agit pour l´Algérie de faire le bon choix quant à son devenir, choix naturellement différé depuis l´indépendance du pays et la crise de l´été 1962. Un projet de société se reflète dans la loi fondamentale du pays. Or, les différentes constitutions de l´Algérie ont été produites en petit comité, entre «initiés», prêtes à l´emploi, en l´absence totale de transparence et de représentants du peuple et singulièrement des sensibilités politiques qui travaillent et traversent le pays. L´Algérie a donc besoin d´un projet de société qui prenne en compte les intérêts des Algériens, avec leurs différences, leurs croyances et l´espoir d´avoir leur place dans une Algérie que nous aurons à construire ensemble. Cette Algérie une et différente, seule une Assemblée constituante représentative saura la prendre en charge pour lui (re)donner assise et légitimité.