«Face au monde qui change, il vaut mieux penser le changement que changer le pansement.» Francis Blanche Il paraîtrait que la mondialisation aurait commencé à l´occasion de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl: le nuage radioactif s´est mis à voyager sans se soucier des frontières, des visas à fournir ou des droits de douane...A l´époque, toutes les plumes bien pensantes, de Wall-Street et de la City de Londres, avaient incriminé le système soviétique qui ne tournait plus rond et qui préparait d´autres déconvenues encore plus spectaculaires et plus nuisibles pour le genre humain. Actuellement, la catastrophe de Fukushima est ravalée au rang «d´accident industriel» et nul ne songe à mettre en cause le système capitaliste qui est à l´origine de toutes les catastrophes humanitaires, en commençant par la traite des esclaves, le colonialisme, les multiples crises financières et les guerres modernes dites «du pétrole». On nous annonce joyeusement pour bientôt la guerre de l´eau! C´est gai! Pour ma part, je continue à penser que la mondialisation a toujours existé et que le premier porteur du virus de la peste qui a embarqué comme harraga, d´un port d´Orient pour une ville de l´Occident, a inauguré cette ère nouvelle où tous les hommes sont frères dans le malheur à partager. D´ailleurs, comme vous pouvez le remarquer, ce sont toujours les mauvais côtés d´une civilisation qui voyagent le plus vite: le sida a fait plus de chemin que la liberté sexuelle ou que la démocratie. Quand un facteur positif décide de passer d´un continent à l´autre, il met plus de temps parce qu´il a tellement de formalités à satisfaire, tant de documents à remplir que les meilleures volontés finissent par se lasser et alors tout le monde finit par réintégrer les vieilles ornières de la routine... Cependant, il se peut qu´il y ait des exceptions (l´exception est toujours là pour confirmer la règle): les changements ou plutôt les volontés de changement, qui affectent actuellement le Monde arabe, présentent un caractère d´entêtement inhabituel: il y a de quoi rendre suspicieux quelqu´un qui est plongé dans le coma depuis la chute du Royaume de Grenade. D´abord, pourquoi le changement n´affecte que les pays qui faisaient jadis partie du «Front de la fermeté et de la dignité»? Si l´on excepte l´épisode Ben Ali, on est tenté de dire que celui-ci n´a été victime que d´un accident de parcours ou qu´il a servi de fusible ou de prétexte pour lancer la machine infernale qui va mettre à la tête des régimes arabes, des gouvernements incolores, inodores, sans saveur, extensibles, compressibles et élastiques...D´ailleurs, depuis la fameuse «révolution» de la place Tahrir, avez-vous senti un quelconque changement dans la politique étrangère de la junte militaire qui avait placé Moubarak trente années durant, à la tête du pays le plus peuplé de cette fameuse Ligue arabe qui a aussitôt donné un blanc-seing à Sarkozy and Co pour faire goûter aux Libyens les bienfaits de la civilisation occidentale?...Amr Moussa est bien égyptien: il doit bien avoir quelque connection avec ceux qui maintiennent le blocus contre Ghaza. D´ailleurs, il faudrait se demander pourquoi la rue arabe, si violente au Yémen, en Syrie, ou catégorique comme en Tunisie ou en Egypte, est si modérée en Jordanie ou au Maroc? Pourquoi les peuples de ces deux pays n´affichent pas sur des pancartes écrites, dans toutes les langues, le mot «Dégage!» qui fait tant plaisir aux peuples frustrés? Leurs souverains ne sauraient-ils pas lire? En tout cas, dans l´état actuel des choses, il est légitime de se poser des questions et de se dire qu´à part El-Nino ou la CIA, nul ne peut faire réagir aussi différemment des peuples qui ont tant de choses en commun.