Dans notre pays, nous avons des patronymes célèbres à travers la planète. A Rouiba, il y a Oudini, pas le magicien qui s´enfermait sous l´eau, mais l´avocat. La conduite sur nos routes est devenue un risque. C´est même un très gros risque. L´état d´ivresse dans notre pays a pris d´énormes proportions, car en guise de loisirs qui permettent le défoulement, nous avons le choix ou plutôt, nos jeunes ont le choix entre l´alcool et la came. Alors que penser de la conduite en état d´ivresse suivie d´une malheureuse collision où la victime n´a pas le beau rôle? Plus grave: l´accident de la route du côté de Chéraga n´est pas, une fois coutume, l´oeuvre d´un teen-ager. Non, l´inculpé est un père de famille que les cheveux grisonnants désignent pour être un étourdi, un abruti qui a dit, plaider coupable... Joumana Jazia Mezaâche, la présidente de la section correctionnelle du tribunal de Chéraga (cour de Blida), n´a pas eu trop de problèmes pour aller vers la vérité. Elle adore la sérénité. D´une part, Abdelkader Sebti était sur la route au volant, dans un état d´ivresse à la limite du brouillard. Il avait beau ouvrir ses yeux, ses paupières, soulever ses cils et même ses sourcils, pour arriver à bon port sain et sauf, rien n´y fit. La collision eut lieu avec ceci de particulier, la victime avait pris la responsabilité de doubler au mauvais endroit. Résultat du sinistre: des bobos pour le responsable de l´accident et une grosse frayeur au chauffeur en état d´ébriété. Pour une fois, Zaïm, le représentant du ministère public, allait se contenter de petites demandes de prison ferme. Six mois tout en essayant de cacher un petit fou rire légitime, plus tard, lorsque l´avocat de Sebti s´avancera pour étaler ses coordonnées. «Maître Salah Oudini», marmonne le défenseur qui montrera la blancheur de ses dents à l´issue du sympathique échange avec la présidente qui avait pris la liberté de dégeler l´atmosphère austère de l´audience en articulant: «Oudini, le magicien?» L´avocat avait saisi le jeu de mots et lui aussi avait sa réplique en mâchonnant: «Madame la Présidente, c´est bizarre, mais vous me rappelez tout à coup quelqu´un que je connais très bien et je crois même que j´ai déjà eu affaire avec lui», dit la moustache grisonnante, Maître Oudini qui a deviné, à travers le beau sourire affiché par la magistrate du siège, qu´elle avait vite saisi qu´elle lui rappelait Louisa, sa soeur, présidente de la section civile à...Rouiba où l´avocat a son cabinet. Mais ce que le conseil ignore, car son âge ne lui le permet pas, à Rouiba, avait exercé, il y a longtemps, Abdel-madjid, le papa regretté des deux magistrates. D´ailleurs, l´avocat allait plaider avec une souplesse que Maître Benouadah Lamouri adore voir à la barre. Et la souplesse utilisée par le défenseur avait consisté à plaider coupable pour l´état d´ivresse, mais pas pour l´accident. «Mon client n´a pas été la cause du sinistre. Il n´y est pour rien. C´est celui qui venait de face qui a causé le désastre, heureusement sans gravité. Il n´y a pas eu de délit de fuite. La maladresse, oui, mais pas à l´actif de mon client. C´est pourquoi, demander la relaxe serait insensé, mais une peine symbolique, oui. Pour notre part, nous rendons grâce à Allah qui a secouru cet accident, car durant la même semaine, 45 décès avaient été enregistrés. Ce que nous déplorons», a récité le conseil qui accueillera le verdict-sursis avec philosophie.