Dans le tour d'horizon brossé par le ministre des Transports, mardi soir, à la télévision nationale, il apparaît que le secteur est et restera dans un état comateux. Le rail, en plus d'avoir des structures obsolètes, est sinistré. Le terrorisme a achevé ce qui a résisté au temps. Le réseau ferroviaire n'a pas bougé d'un iota depuis l'indépendance. A peine si l'on commence à évoquer la nécessité d'une double voie. D'ici que l'idée mûrisse et que l'on passe à la phase de concrétisation, beaucoup d'eau devra encore couler sous les ponts. Quant à l'électrification de la voie unique dont nous disposons, il n'est question, toujours au futur et au stade de l'idée, que d'un tronçon d'une centaine de kilomètres. Cela quand, au même moment, dans des pays tout proches, le train concurrence sérieusement l'avion par sa grande vitesse et son confort. On mesure mieux notre immense retard dans ce domaine. Le transport maritime n'est pas mieux loti quoique des solutions de colmatage soient tentées. Comme l'affrètement de navires à l'occasion de la saison estivale et l'ouverture de nouvelles lignes. Cela durera le temps des moissons et puis on reprendra les navettes d'avant avec nos rafiots. L'aérien est, lui, en proie à de fortes turbulences dues principalement à un ballet de compagnies qui naissent aussi vite qu'elles ne disparaissent. Frustrant des passagers qui, hormis la compagnie nationale Air Algérie qui est constante, se tiennent le ventre dès qu'ils doivent s'adresser à une nouvelle compagnie. L'annonce du retour d'Air France et le boycott brandi par les pilotes en est la parfaite illustration. Sans compter la disparition d'Air Lib ou encore celle de Khalifa Airways. Comme chat échaudé craint eau froide, les voyageurs s'agglutinent autour des guichets d'Air Algérie, seule compagnie sécurisante. Là aussi, du travail est nécessaire. Notre aviation civile semble distribuer des autorisations sans trop d'efforts. Il faut savoir d'une part que toutes les compagnies étrangères, une dizaine, qui atterrissent à Alger, ne sont là que grâce ou à cause de la déprime du marché mondial. La destination Algérie reste la plus rentable au monde. Les Algériens sont réputés pour leur boulimie à voyager. Un trésor avec lequel on se refait une santé financière. Des formes de concurrence déloyale apparaissent dans la drague que font certaines compagnies internationales en cassant les prix par le jeu des correspondances lointaines. Si notre aviation civile n'y prend pas garde, elle qui a en charge de veiller à tous ces aspects avant de délivrer les sauf-conduits, le but poursuivi par ces compagnies étrangères est de détourner à leur profit notre marché extérieur. Ce qui rendra vulnérables les obligations du service public et la maîtrise du flux des passagers surtout en haute saison. En outre, ce juteux marché attire aussi des convoitises sur le plan local. De nouvelles compagnies aériennes se créent. Le ministre a annoncé plusieurs projets en cours. La facilité pour la création d'une compagnie aérienne est déconcertante. Un registre du commerce, une convention d'assistance et le tour est joué. Pas d'autres garanties. L'exemple du «cimetière» des compagnies aériennes qui se constitue est symptomatique. Citons en plus de Khalifa, Antine, Ecoair... L'Etat est toujours là à subir les contre-coups de ces disparitions. Le mal qui affecte ce secteur ressemble étrangement à celui qui secoue le milieu bancaire. Dans les deux cas, l'environnement créé pour faire face à l'ouverture comporte beaucoup d'imperfections qui n'apparaissent qu'à l'usage. On ne cesse de corriger les failles tout en passant l'ardoise à l'Etat. Avec les mêmes causes, le transport urbain vit une grande cacophonie et un mélange des genres catastrophiques. Le ministre nous a appris que le gouvernement est revenu à la préférence d'avoir une grande société de transport urbain plutôt qu'à l'émiettement du produit par de petits transporteurs. Pour Alger par exemple, une grande Etusa après avoir laminé et enterré la précédente Rsta. L'éternel recommencement. Même démarche pour les taxis. On se rend compte après coup des vertus des sociétés de taxis qui, dans un passé récent, ont été liquidées style radio-taxis de la Coopemad. Quant à la délivrance des permis de conduire dont personne n'ignore le laxisme et la corruption qui les affectent, rien de radical n'est prévu pour enrayer la délinquance routière créée par cette situation. Le ministre a eu la franchise de citer le Code de la route qui ne trouve pas d'application sur le terrain. 4000 vies resteront condamnées à trépasser chaque année sur les routes. Quant au métro, M.Sellal nous «consolera» en nous rappelant que le métro de Rome a mis 25 ans avant de voir le jour. Et avec un peu de chance nous aurons en 2007 (25 ans après) notre première rame du métro d'Alger. Le transport maritime urbain et le tramway dont on nous avait tant gargarisé - il y a peu comme solutions pour désengorger la capitale - n'ont pas été du tout évoqués par le ministre. On gardera de la longue prestation du ministre des Transports un goût de fatalité et un enchevêtrement inextricable de problèmes dont on ne sait plus par quel bout les appréhender. Les Algériens peuvent continuer à se déplacer le mouchoir à la main et s'en remettre à Dieu.