Au niveau des maternités de certains hôpitaux, ces enfants sont volés avant qu'ils ne soient vendus. Les enfants nés hors mariage, et l´Algérie en cumule 3000 chaque année, font face à un vide juridique criant. Cette frange n´existe pas «socialement» dans la loi algérienne qui n´est autre «qu´une copie de la loi française», a dénoncé, hier au forum d´El Moudjahid, l´éminente avocate Fatma-Zohra Benbraham. Sans tarder, elle a préconisé l´intervention immédiate de l´Etat et de la justice pour éviter le pire à ces milliers de laissés-pour-compte. «Il faut introduire un nouvel article dans le Code pénal pour permettre une meilleure protection dès la naissance. On interroge la mère pour savoir l´auteur des faits. Ce dernier est appelé à reconnaître la filiation de l´enfant. Quant au mariage, il peut s´y opposer et ça sera une autre paire de manches», a tonné l´avocate. Si notre vis-à-vis insiste sur la filiation, c´est parce que sans cette formule, l´enfant se trouve sans identité. Dans un réquisitoire en bonne et due forme, Me Benbraham exhorte l´autorité compétente à apporter des modifications dans l´article 40 du Code pénal. Pour elle, le recours aux tests biologiques ne doivent pas être considérés selon la volonté du juge mais comme une obligation. Et à l´oratrice de s´adresser au ministre de la Justice: «Nous n´avons pas le temps d´attendre.» Dans sa brillante communication, Me Benbraham trouve «étrange et bizarre» l´absence des hommes de culte. Que font les religieux? s´est-elle interrogée. L´autre tare pour les enfants nés sous X a trait à l´héritage. «C´est pour cette raison qu´une grande partie des pères biologiques refusent de les reconnaître», argumente la conférencière. Sur sa lancée, l´avocate a fustigé la convention de La Haye du 25/02/1993 qu´elle trouve «discriminatoire». Dans ce pacte étrangement signé par la majorité des pays musulmans, «le mot Kafala n´existe pas. On parle uniquement de l´adoption». Sur le plan international, dit-elle, l´Algérie a encore un chemin à parcourir. Et d´enfoncer le clou: «Ces conventions sont susceptibles de provoquer de graves problèmes politiques.» Dans une autre optique, Me Benbraham a dénoncé certaines pratiques, inhumaines pour le moins qu´on puisse dire, des professionnels de la santé. «Aux hôpitaux de Tlemcen, Beni Messous, El Harrach, des enfants sont volés dans les maternités avant qu´ils ne soient vendus», regrette notre interlocutrice. Appelé à apporter des éclairages sur la situation des enfants nés hors mariage, Abderrahmane Arar, président du réseau Nada, a souligné que la difficulté réside dans l´identification des 500 à 600 enfants nés dans les maquis pendant la tragédie nationale. Intervenant au cours de la conférence, Mohamed-Chérif Zerguine né hors mariage et auteur d´un livre intitulé «Nés sous X dans le monde arabo-musulman» a déclaré: «Mon souhait est de voir un autre regard pour que cet enfant soit sur un même pied d´égalité qu´un enfant normal». L´activité artistique, soutient-il, lui a permis de crier sa souffrance. «Au début, j´ai cru que je ne ressemble pas aux autres....» L´auteur du livre est ému. Comme Me Benbraham, il a mis l´accent sur la filiation et les tests ADN «mis aux oubliettes par le ministre Ould Abbès».