Figurant sur la liste des «Rogue States» (les Etats voyous), établie par les Etats-Unis, l'Irak est, de plus en plus, pressenti comme une cible idéale après l'Afghanistan. A ce propos, la menace de George W.Bush est prise au sérieux par nombre de chefs d'Etat arabes et musulmans. Réunis à Doha (Qatar), en marge de la réunion de concertation, les ministres arabes des Affaires étrangères rejettent toute éventuelle frappe américaine contre un pays arabe. «La position arabe est claire, à savoir le rejet de toute frappe contre un quelconque pays arabe», a indiqué le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, réagissant à l'annonce faite par les Etats-Unis qu'ils pourraient agir contre d'autres pays que l'Afghanistan. Le secrétaire général de la Ligue arabe a ajouté que les ministres arabes ont adopté une vision unifiée face au terrorisme international et aux tentatives de porter atteinte à l'Islam et aux Arabes. Ils en appellent au droit international. «Si des accusations sont portées contre une organisation ou contre une instance, il faut procéder à des consultations et prendre les mesures diplomatiques et juridiques nécessaires et ne pas entreprendre une action militaire», a-t-il ajouté. L'organisation de la conférence islamique a, de son côté, fait part de son opposition à l'extension de la guerre en Afghanistan à d'autres pays islamiques ou arabes, à l'issue d'une réunion à Doha. Dans un communiqué, les ministres des Affaires étrangères de l'OCI ont affirmé qu'ils refusaient qu'un quelconque pays islamique ou arabe soit attaqué, sous le prétexte de la lutte contre le terrorisme. L'OCI a exprimé son «inquiétude de ce qu'elle puisse occasionner des victimes parmi les civils innocents.» Dans une lettre adressée au Conseil de sécurité de l'ONU, les Etats-Unis, qui justifiaient leurs frappes en Afghanistan en invoquant leur droit à «la légitime défense» ont indiqué, lundi qu'ils «pourraient entreprendre d'autres actions contre d'autres organisations et Etats». Suite à cette déclaration américaine, le ministre des Affaires étrangères chinois Tang Jiaxuan a, lors d'une conversation téléphonique avec son homologue britannique, le secrétaire au Foreign Office, Jack Straw, laissé entendre que «les actions militaires contre le terrorisme doivent viser des cibles terroristes précises et ne doivent ni s'étendre à d'autres pays ou les affecter, ni nuire à d'innocents civils». Rappelons que l'Irak est le seul pays arabe à ne pas avoir condamné les attentats du 11 septembre. Ce jour-là, Saddam Hussein a tiré trois salves en guise de jubilation face à «cette défaite US». Dans le contexte militaro-politique qui prévaut dans la zone de confrontation avec l'Afghanistan Bush a voulu mettre en garde Saddam Hussein contre toute tentative de rééditer une aventure comme celle de l'invasion du Koweït en août 1990. Des sources diplomatiques américaines affirment ainsi, que «les Irakiens ont l'habitude de chercher à tirer profit de moments où ils pensent que nous pourrions être distraits». Bush trace trois lignes rouges à Saddam et qu'il ne doit pas franchir: menacer ses voisins, ne pas tenter de reconquérir le Kurdistan, dans le nord du pays qui échappe au contrôle de Bagdad, et ne pas menacer et employer des armes de destruction massive. Mais face à ces mises en garde et avertissements, souvent adressés directement à Saddam Hussein, beaucoup d'observateurs s'accordent à dire que ce ne sont là que des prétextes qu'invoquerait Bush junior pour se justifier, devant l'opinion internationale et finir ce qu'avait entamé Bush senior, puisque l'Irak a déjà anticipé une éventuelle opération dirigée contre lui, en accusant Washington et Londres de chercher à «régler de vieux comptes». En Irak, l'opinion publique réagit aux frappes militaires américaines et britanniques contre l'Afghanistan: quelque 15.000 Irakiens, pour la plupart des étudiants, manifestent à Bagdad contre les raids US sur le territoire afghan.