Bouteflika a appelé à observer une minute de silence à la mémoire du défunt. Une gerbe de fleurs et une minute de silence suffisent-elles à celui qui s'est interrogé un jour «Où va l'Algéri?» et dont la vie est intimement liée à l'histoire de l'Algérie contemporaine? La génération d'aujourd'hui ne retiendra probablement de cet homme que la salve d'une arme automatique qui surgit derrière un rideau pour éclabousser sa cervelle au moment où il prononçait, dans son discours, le mot «islam». La cérémonie de recueillement et d'hommage au président assassiné, Mohamed Boudiaf, s'est déroulée hier matin, au carré des Martyrs du cimetière d'El-Alia, à l'occasion de la commémoration du 11e anniversaire de son assassinat. L'épouse du défunt, les membres de sa famille, certains membres du gouvernement, d'anciens ministres, des responsables de la fondation Boudiaf, des représentants de partis politiques et du mouvement associatif, ainsi que des amis et compagnons de lutte du disparu étaient présents. De son côté, le Président de la République a appelé les participants au colloque maghrébin sur la contribution de la langue arabe à la continuité, la solidarité et l'unité entre les pays du Maghreb arabe, qui se tient à l'hôtel El-Aurassi (Alger), à observer une minute de silence à la mémoire du défunt. Porté à la tête de l'Algérie en janvier 1992, pour empêcher le FIS dissous d'accéder au pouvoir, l'espoir qu'il a suscité s'est évaporé avec son assassinat le 29 juin 1992. En six mois de règne, ses déclarations n'ont jamais enchanté ceux qu'il qualifiait de «mafia politico-financière» et les six mois de son règne ont été marqués par un bras de fer permanent avec les décideurs. Les divergences sont apparues le jour-même de son retour en refusant notamment de lire le texte d'un discours préparé. Un choc frontal, aux tournures aiguës, l'a opposé aux rentiers du système auxquels il s'est attaqué sans retenue sur plusieurs dossiers notamment la lutte contre la corruption, la réforme des institutions de l'Etat, de la justice, des douanes et le calendrier électoral. Avec sa disparition, ce sont les espoirs de réforme qui se sont écroulés en Algérie et le pays a sombré dans le chaos pendant dix ans. Né le 23 juin 1919 à M'Sila, Mohamed Boudiaf s'engage très tôt dans la cause nationaliste au sein du PPA. Membre de l'organisation secrète (l'OS), il a été emprisonné en 1950, et réussit à s'évader pour entrer dans la clandestinité jusqu'à la fondation du FLN. En 1956, il a été arrêté avec cinq autres de ses compagnons, lors d'un détournement par les autorités françaises, le premier dans l'histoire de l'aviation, de l'avion les transportant du Maroc. Au lendemain de l'indépendance, il démissionne de son poste de vice-président du Gpra, suite à un désaccord avec le président Ben Bella. Arrêté sous le règne de ce dernier, puis libéré en 1963, il choisit l'exil, en Europe puis au Maroc. Pendant 28 ans, Boudiaf ne remet plus les pieds en Algérie jusqu'en janvier 1992.