Notre justice se porte-t-elle bien? Chacun a un avis. Mais une victime d´escroquerie estime que le tribunal l´a spoliée... Saballa H., est une victime de 50 piges. Elle est handicapée, mais valide. Elle est si valide qu´elle s´est passé des services d´un conseil. Et même lorsque Boualem Bekri, le président de la 4e chambre correctionnelle d´Alger lui avait demandé si elle désirait un renvoi, le temps pour son avocat de s´imprégner du contenu du dossier, la victime a dit: «Non, nous y allons. Je m´y connais en droit.» Car ces messieurs le prévenu et les deux témoins l´avaient volée et qu´elle ne comptait pas se laisser faire. La victime, qui a l´attitude d´un malade qui va vers la maladie d´Alzeimer, parle très bien. Elle s´exprime bien. Bekri, qui a, pour une fois, piétiné les procédures a dit son émotion devant l´état de la victime qui a alors cru qu´elle avait, et Bekri et Fazia Aït Mesbah, et Abdenour Amrani, les trois juges de la composition pénale, dans la poche. Elle ira plus loin. Elle posera même des questions aux juges. Ce qui n´est jamais permis dans les juridictions. Elle poussera la coquetterie jusqu´à sous-estimer ceux de sa génération et lâchera sans se rendre compte de l´agressivité qu´elle va étaler dans la salle d´audience: «Moi, j´ai étudié chez les anciens professeurs. Je sais pratiquement tout de la vie. C´est pourquoi je vous répète comme je l´ai déclaré devant le tribunal, vous avez devant vous deux menteurs qui tentent de vous entraîner sur la voie de l´injustice...et... -Non, ne répétez plus le mot menteur. Dites tout simplement que ces deux messieurs ne disent pas la vérité, la cour saisira le sens de ce que vous voulez dire. A propos, avez-vous étudié le droit?, articule Bekri, emballé. -Je suis né en 1961 et j´ai beaucoup appris... -En 1961? C´est bien, c´est la date de l´Indépendance moins un. Donc, vous êtes un produit de l´Ecole algérienne! N´est-ce pas? Alors, exprimez-vous en tant que tel. Nous, nous sommes issus de l´Ecole coloniale, nous pouvons nous targuer d´être ce que nous sommes! Nous respectons les enfants de l´Ecole algérienne! «Moi, je vous dis que mon affaire est simple. On a gonflé mes factures. Donc, je poursuis ces messieurs parce qu´ils m´ont volé en effectuant des travaux...» «Quelles sortes de travaux?», questionne le juge en direction du prévenu qui a écopé d´une peine assortie du sursis, d´une amende et des dommages et intérêts à verser à Saballa qui en veut plus. Le prévenu répond: «Des travaux supplémentaires!» «Et alors, dit Bekri, où est donc le mal? Je vous rappelle que le prévenu a été payé pour rénover votre logement où beaucoup de réalisations nouvelles avaient été montées. Qu´est-ce qui n´a pas marché?» Et alors que le magistrat s´attendait à ce que le prévenu réponde, c´est Saballa qui va monopoliser la parole comme seuls les justiciables victimes savent le faire avec toujours cette arrière-pensée, que quelqu´un était en train d´aider l´adversaire. Il va ensuite soulever le cas des expertises. Et là, le président ne prend pas des gants, car il va élever le ton pour rappeler à la victime qu´elle voulait, à chaque expertise, qu´une baisse soit accordée: -«De 30.000, on est arrivé à 28.000. Et alors vous voulez atteindre les 20.000? Soyez raisonnable...» La victime coupe le juge et parle de 900 millions de fausses factures, des montants aux chiffres grossis, de mauvaise foi et surtout qu´elle s´était déplacée ce lundi pour obtenir satisfaction et pour la peine, et des dommages et intérêts que le tribunal n´a pas jugé «grassement». Après avoir remercié les deux témoins qui n´ont rien appris à la composition correctionnelle, Bekri va alors accélérer l´interro et permettre même à la victime de répliquer à la jeune avocate du prévenu qui a dit son désaccord total avec toutes les interventions lâchées et surtout les honteuses remarques balancées pour ce qui est du fisc volé, des manoeuvres pondues par le prévenu: «La défense rejette dans le détail et même en gros les demandes exagérées de la victime»,. conclut-elle sans sourire. Bekri libère tout le monde juste après avoir annoncé la mise en examen du dossier.