C'est la date que les autorités de l'indépendance ont convertie en symbole du recouvrement de la souveraineté nationale. Pourquoi avoir choisi la date de la capitulation du Dey Husseïn au lieu d'une date plus algérienne dans son historicité? Comme on dit mystère et boule de gomme. Enfin bref, quelques années plus tard, à l'occasion du festival panafricain de 1969, cette date a été transformée en fête de l'Indépendance et de la jeunesse. Fête dont l'immuabilité de la date devait ouvrir à la jeunesse algérienne et à la population juvénile du globe un immense chantier d'échanges chaque année, elle n'a malheureusement et, à l'exception du festival panafricain de 1969, jamais produit de quoi intéresser les jeunes pour répondre à leurs multiples préoccupations. Pourquoi un tel gâchis? Hormis l'éphémère césure de la fin des années 1960, personne n'a pu répondre à cette question qui reste, comme on voit, une sorte de constat de carence permanent sur lequel chaque année la presse s'interroge sans trouver la bonne suggestion qui déciderait les pouvoirs publics de rompre avec le monolithisme d'antan pour redonner à la jeunesse de quoi s'épanouir, de quoi s'enorgueillir et de quoi être fière de son pays. L'Algérie compte environ 70% de jeunes sur une population qu'on pourrait chiffrer à 32 millions d'habitants. Au plan de l'économie de marché c'est une aubaine pour les pays étrangers qui ont pu y faire apprécier leurs marchandises. Etant donné le décalage de croissance qui existe entre l'Algérie, pays émergent, et les pays développés, la jeunesse algérienne qui n'a pas encore connu le plein emploi, ni l'art d'inventer pour construire et produire des choses qu'on pourrait ensuite substituer à l'importation, ne peut de nos jours se sentir concernée que par la consommation. D'où le caractère timoré qu'elle essaie d'opposer quand des dates comme celle du festival de la jeunesse l'interpellent pour lui offrir un moment d'enthousiasme, un moment d'être fière d'être algérienne sans souscrire au moindre chauvinisme. Lorsqu'on est chômeur chronique on n'a vraiment pas le coeur aller s'amuser alors qu'on habite encore chez ses parents à l'âge de trente ans. Filles ou garçons tout le monde est logé à la même enseigne. Le pire ce sont encore les dérives qui entraînent cette même jeunesse vers une variété de maux sociaux comme la prostitution et l'homosexualité qu'aucun pays au monde n'a réussi jusqu'ici à combattre avec les seuls mots, fussent-ils choisis parmi les plus percutants. Alors de quelle fête parlons-nous? Celle de la tristesse qu'on essaie de rendre «gaie» par des chants patriotiques usés jusqu'à la corde depuis quatre décennies? Jadis, à l'époque du bonapartisme sans Bonaparte, on faisait donner du tambour et de l'ordre serré à la troupe pour amuser la galerie. Cela rappelait certaines places de grève encore au XVIIIe siècle où l'on attirait les badauds pour profiter des exécutions à la guillotine de pauvres gens accusés d'avoir subtilisé une miche de pain. Aujourd'hui, toutes ces démonstrations n'ont plus droit de cité. Et c'est tant mieux ! Reste pour en revenir à de meilleures dispositions à pousser les jeunes vers le bonheur en leur créant des emplois décents, des emplois qui puissent sans aliénation de leur âme, leur procurer le juste financement de leur existence tous les jours sans recourir aux expédients qui ont été cités plus haut... Il en ira sûrement autrement lorsque les autorités algériennes qui ont toujours eu le mot jeunesse constamment à la bouche, se départiront des formules creuses pour aborder un problème aussi épineux mais aussi et surtout décisif pour le devenir de l'Algérie. Si l'on n'abordait pas l'inextricable problème de la jeunesse autrement que par le passé, c'est-à-dire d'une manière qui laisserait de côté le caractère protocolaire de son anniversaire, mais qui irait au fond de sa problématique, l'Algérie continuera sûrement chaque année à l'approche du 5 juillet de parler de fête de la jeunesse sans que rien ne vienne rassurer notre jeunesse sur son sort immédiat!