«L'intérêt personnel ne peut réaliser l'équilibre requis.» «Nous avons des constantes que le doute ne pourrait atteindre et qui ne pourraient souffrir de suspicion. Quoi qu'il en soit, les constantes et l'unité des institutions doivent primer, sans quoi toute entreprise relèverait de l'impossible», a conclu le Président Bouteflika, jeudi dernier, dans son discours devant les plus hauts officiers de l'ANP au siège du ministère de la Défense. En face de la tribune du Président qui prononçait son discours à l'occasion du 40e anniversaire de l'Indépendance, cinq personnalités captivaient les regards de la presse invitée «en masse» exceptionnellement dans le cadre de l'ouverture de l'ANP aux médias. Le chef de l'état-major Mohamed Lamari, le général-major Benabes Ghezial, conseiller au MDN, le général-major Ahmed Gaïd Salah, commandant des forces terrestres, sont déjà connus. Les deux autres le sont encore moins. A commencer par le conseiller militaire du Président Bouteflika, le général-major Mohamed Touati avec sa grande taille et son regard scrutateur. L'autre est une véritable légende dans l'imaginaire des Algériens. Avant son discours Bouteflika a procédé à la promotion de deux généraux au grade de général-major et de huit colonels au grade de général. Un groupe d'officiers supérieurs ont été également promus du grade de lieutenant-colonel au grade de colonel. Le Président a notamment remis des médailles d'honneur et des médailles d'ordre de mérite militaire à un autre groupe d'officiers ainsi que des médailles de l'ANP sans chevrons au personnel civil assimilé. La salle d'honneur du MDN est archi-comble. Les différents commandants de forces, le secrétaire général du ministère de la Défense nationale, les chefs de département au ministère de l'état-major, les directeurs et chefs de services centraux au ministère ainsi que les chefs des bureaux états-majors de l'ANP étaient touts présents. Bouteflika, en cette occasion a tenu à saluer «le rôle de notre glorieuse armée qui veille à l'unité du peuple et à l'unité du territoire national, à la préservation de la souveraineté de la République algérienne, à la protection de ses frontières et de ses lois dont certains dépravés ont voulu abuser». Alors que le procès Nezzar-Souaïdia bat son plein à Paris, le président a lancé: «Nous dirons à ceux qui n'apprécient pas le rôle grandiose de l'Armée nationale populaire, aux haineux qui ne peuvent plus accéder aux convoitises ou ceux qui rêvent du paradis perdu, qui lancent des invectives et des flèches empoisonnées, se répandent en accusations contre ses officiers supérieurs, créent des événements et inventent des dires, nous leur disons que c'est l'arbre chargé de fruits qui rejette la pierre et que la montagne, profondément enracinée ne peut pas être dérangée par les secousses». La célébration du 40e anniversaire de l'Indépendance a été saisie par Bouteflika pour dresser une synthèse de constat: «Le peuple algérien et la jeunesse en particulier, ont connu durant les quatre décennies écoulées des victoires et des échecs. Ils ont réalisé des acquis et manqué des occasions. Des courants politiques se les sont disputés, certains n'ont pas hésité à utiliser la religion pour parvenir au pouvoir ou saper les fondements de l'Etat, d'autres encore ont semé la division et la fitna au nom de la démocratie». Et d'expliquer que «la majorité feignait d'oublier le capital révolutionnaire de l'Algérie, laissant ainsi les ambitions personnelles prendre le dessus. Des slogans se jouant des constantes de l'identité se sont également élevés pour décrocher la gloire. Les valeurs se sont évanouies, les fléaux sociaux se sont répandus, et la corruption a affecté la plupart des administrations et des institutions de l'Etat». Bouteflika va même plus loin en signifiant la rupture entre gouvernés et gouvernants: «Les responsables ignorant les intérêts du citoyen, celui-ci leur a retiré sa confiance». Ce qui, selon lui, rompt l'équilibre. «Ce qu'a vécu l'Algérie, depuis des années, et dont les effets se font encore ressentir n'est qu'un incident pouvant survenir dans toute société dès que le déséquilibre social s'installe et dès que le cordon de la continuité s'altère. Alors, l'effort reste vain, car nous nous éloignons du fond du problème sans vraiment en rechercher les solutions radicales», martèle le chef de l'Etat en poursuivant: «Je reste convaincu, tout comme ceux de ma génération, que les nations ne sauraient atteindre la grandeur, en l'absence de l'équilibre indispensable à la gestion de leurs affaires, matérielles ou morales». Mais, prévient Bouteflika, «l'intérêt personnel ne peut réaliser l'équilibre requis que s'il est placé dans un contexte qui, au bout du compte, génère le bien-être de tous, et que s'il est inséré dans une optique de complémentarité, d'efforts soutenus et d'exploitation commune des moyens disponibles», tout en soulignant «la multiplicité et l'opposition des intérêts» et le «désintérêt affiché à l'endroit du service public et la propension à servir les intérêts personnels, voire à privilégier ceux-ci à l'intérêt général». Constat accablant après quarante ans d'indépendance. Et c'est en ce sens que le président a invité «la génération de l'indépendance à procéder à une rétrospective de son parcours et une comparaison des aspects positifs et négatifs». La Constitution, a réaffirmé le Président, reste la référence suprême «nul n'a le droit de s'éloigner ou de sortir de ces dispositions». Et d'appuyer: «Ni l'extrémisme odieux, ni le terrorisme aveugle, ni les autres théories philosophiques ne peuvent affaiblir l'Etat ni entamer la détermination du peuple à contribuer efficacement à l'édification de l'Etat de droit.» Aux jeunes générations, Bouteflika a lancé ce message: «ne vous laissez point impressionner par les apparences, parfois négatives, de la société et ne vous détournez point du combat et du militantisme des enfants de ce peuple. Ce ne sont là que des difficultés passagères». Selon Bouteflika, «le peuple algérien a surmonté la plupart des obstacles grâce à la volonté de cette génération d'améliorer ses conditions de vie et sa détermination à réaliser ses aspirations et ambitions, d'autant que les motifs de progrès et de développement comme la sécurité, la liberté d'expression et la démocratie, sont maintenant tangibles que personne ne peut contester». Bouteflika termine son discours. Les généraux applaudissent. S'ensuivent déjeuner offert par la haute hiérarchie militaire et les honneurs présentés au Président qui quitte les lieux par un détachement représentant les différentes armes de l'ANP. De loin, le général de corps d'armée, Mohamed Lamari fait un signe à la presse avant de disparaître dans sa voiture. Les carrés du piquet d'honneur font mouvement sous le rythme soutenu de la fanfare militaire. «A la prochaine», nous lance l'un des officiers du département de communication du MDN.