Aux yeux du Président, il ne fait aucun doute que «l'ANP a sauvé la patrie et la République». A l'occasion de la dernière célébration de la fête de l'Indépendance, un discours de circonstance, au demeurant fortement attendu, était pour le moins requis. Ce jeudi, au siège du MDN, à l'occasion de la montée en grade de plusieurs officiers supérieurs, le Président de la République, chef suprême des forces armées, a tenu à rendre un vibrant hommage à cette institution, soulignant que sa défense était «l'un de ses devoirs les plus sacrés et l'une de ses missions les plus élevées». Tous les observateurs qui ont commenté cette sortie se sont accordés à dire que «le chef de l'Etat chercherait l'appui de l'institution militaire dans ses tentatives de briguer un second mandat». Il semble que le chef de l'Etat ait pris conscience de l'amenuisement de ses chances depuis sa «rupture» consommée avec le FLN, premier parti du pays et résolu à présenter son propre candidat en la personne de son secrétaire général Ali Benflis. Cela d'une part. D'autre part, ces mêmes chances ont été d'autant plus réduites que le décès tragique du président du MSP semble pousser ce parti vers la radicalisation de ses positions et, donc, son retrait du gouvernement et son refus de soutenir un second mandat de Bouteflika. Le chef d'état-major, à deux reprises, dans des entretiens accordés à des journaux étrangers, a eu à rappeler que la République n'était plus en danger et que, partant, l'intervention salutaire de l'institution militaire sur le plan politique était désormais totalement exclue. L'ANP a un rôle proche de celui de l'armée turque qui a laissé des islamistes prendre le pouvoir sans que les équilibres démocratiques et républicains aient été ébranlés. L'Algérie semble, elle aussi, prête pour ce genre de choses. Mohamed Lamari, du moins, le croit, lui qui a indiqué que l'institution qu'il commande acceptera le verdict des urnes même si c'est Abdallah Djaballah qui devait être choisi par le peuple. Tout risque de dérapages graves est désormais écarté, même si le Chef du gouvernement et secrétaire général du RND, dernier allié important du Président, estime le contraire. Le Président, lui, n'est pas de l'avis de son Chef du gouvernement. Lui aussi, dans son discours adressé au peuple et à l'armée, estime que «l'Algérie est maintenant sortie du tunnel...». Le mérite en revient aussi bien aux services de sécurité qu'au peuple tout entier, engagé comme un seul homme dans la lutte contre le terrorisme. «Les Algériens et les Algériennes se sont ressaisis et l'ANP, répondant à l'attente angoissée de la Nation, a, dans des circonstances dramatiques, assumé pleinement ses responsabilités historiques en préservant la sécurité et l'intégrité du territoire, l'unité du peuple et le caractère républicain de nos institutions (...) l'ANP a sauvé la patrie et la République.» Ce moment de halte privilégié aura aussi été celui des explications, notamment par rapport aux autorisations accordées à certaines ONG pour venir enquêter dans notre pays au moment où l'ANP, engagée sur le terrain dans sa lutte pour sauver la République, recevait des coups sournois de la part de ces mêmes ONG, relayées par des médias et des politiques ignorant, ou feignant d'ignorer, les réalités du terrain, devenues claires et incontournables pour tous à la suite des attentats du 11 septembre 2001. «Nous avons accueilli, sans réserve et sans restriction, toutes les ONG qui ont manifesté le désir de s'informer sur la situation des droits de l'Homme en Algérie (...) et avons tenu le plus grand compte de leurs conclusions et de leurs observations chaque fois qu'elles nous ont paru pertinentes et compatibles avec l'exercice de notre souveraineté et de notre responsabilité». Il s'agit là d'une réponse indirecte aux nombreuses attaques qui ont visé l'institution présidentielle l'accusant d'avoir partie liée avec les attaques dont ont fait l'objet les services de sécurité algériens, notamment l'ANP. Si le chef de l'Etat estime de ses missions de défendre l'institution militaire contre les attaques dont elle fait régulièrement l'objet, il ajoute que désormais le pire est derrière depuis que notre pays a repris sa place de choix dans le concert des nations, notamment en Afrique et dans le Bassin méditerranéen. Bouteflika, qui précise que c'est le moment ou jamais de ne pas flancher et de continuer d'aller de l'avant, évoque aussi les racines du mal qui a touché l'Algérie. Pour lui, les grands chantiers des réformes entrés en application constituent les réponses idoines au diagnostic fait en matière d'exclusion et de détresse sociale de la jeunesse algérienne. L'évocation de ces quatre chantiers, tous de longue haleine, est une suggestion à peine déguisée qu'un second mandat est nécessaire au Président afin que l'Algérie finisse définitivement de sortir du tunnel. Dans ce discours de conjoncture, très curieusement, le chef de l'Etat a scrupuleusement éludé des sujets aussi importants que l'épidémie de peste qui sévit à l'ouest du pays, la proposition de dialogue adressé au mouvement des ârchs, ou même les éventuelles conséquences politiques et sécuritaires liées à la libération de Abassi et Benhadj ou les graves actes de déprédation dont ont été victimes certains sièges du FLN...