«C'est un geste inoubliable qui va directement au coeur.» Les habitants de la cité Fettel de la commune de Beni Mered, dans la banlieue de Blida, ont célébré, mercredi soir, le troisième jour de la mort des onze victimes du crash de l'Hercule C130 qui s'était écrasé, lundi matin, sur leur quartier, dans le recueillement, la piété et la dignité. Ce sont les autorités de la base aérienne de Boufarik qui ont pris à leur charge l'organisation de cette veillée religieuse, en invitant les habitants du quartier, les familles des victimes au premier rang, à un grand repas, fait de mets traditionnels. Les avaient pris place dans l'enceinte du siège de la permanence de la cellule de crise, installée fortuitement par la commune sur les lieux du drame pour mieux coordonner les secours et les actions de solidarité, alors que les hommes s'étaient rangés dehors dans la vaste place du quartier. De hauts responsables et cadres de la 1re Région militaire et de la base aérienne de Boufarik ont assisté à ce rendez-vous, aux côtés des représentants des autorités locales. «La célébration de cette journée dans de bonnes conditions nous a permis d'atténuer notre tristesse», déclarent des membres des familles des victimes qui tiennent à rendre hommage aux responsables de la base pour ce qu'ils ont fait en étant à leur côté dans ces moments difficiles. «C'est un geste inoubliable qui va directement au coeur», tient à dire ammi Lahcène, un proche de la famille Kerrar qui a perdu quatre de ses membres, tous en bas âge. C'était un moment de retrouvailles, après les trois longs et pénibles jours après le crash. «C'est si proche et c'est déjà lointain», commente ammi Lahcène. «C'est le sort divin et on n'y peut rien», rétorque Nadir Abdelkrim, imam qui a perdu sa femme. Il est le plus sage de tous. Il multiplie les remerciements envers les gendarmes et les militaires qui veillent, de jour comme de nuit, pour venir en aide aux familles sinistrées. Les autres corps ont été présents, dont la Protection civile et l'action sociale. Un véritable climat de compréhension et d'attachement mutuel s'est instauré entre eux. La présence des gendarmes qui surveillent les maisons endommagées et les familles sinistrées, depuis le début du crash, tranquillise et donne plus d'assurance, nous indique-t-on sur place. L'autre assurance ressentie ressort à travers les engagements pris par les responsables militaires pour prendre en charge les familles sinistrées dans les plus brefs délais. Une réunion de travail regroupant les deux parties a eu lieu sur place, au cours de laquelle les officiers de l'armée ont annoncé la décision d'indemniser, de recaser et de prendre en charge les problèmes des familles sinistrées. Guerrar, un proche de la famille Kerrar, s'était félicité de la conclusion de cet accord réalisé directement et sans intermédiaires entre les concernés et les autorités militaires. «Maintenant que l'engagement est pris, nous attendons sa concrétisation», enchaîne un autre qui se déclare convaincu de la sincérité des autorités militaires. En attendant, les familles les plus touchées sont recasées dans un centre d'accueil provisoire, aménagé à proximité des lieux du crash, et reçoivent des repas chauds. Les moins touchées sont restées chez elles en recevant, toutefois, aide et assistance en matériel et produits qui leur manquent, notamment couvertures, habits et ustensiles. Un autre geste qui a été hautement apprécié, concerne une enveloppe d'argent remise par les responsables de 1a 1re Région militaire, à chacune des familles victimes comme une première aide. La célébration du troisième jour a été surtout un moment de pensée et de recueillement pour les disparus, dont la majorité est composée d'enfants arrachés à la vie. La famille Kerrar en compte quatre, tous des cousins: Ayoub (2 ans), Abderraouf (5), Tarek (9) et Nassim (10), la famille Ramoul deux, la mère Fatma et sa fille Sanaâ (10). Cette veuve laisse derrière elle quatre enfants dont une fille qui était au moment du crash en déplacement à Sétif pour participer à une compétition sportive scolaire. Elle devait rentrer vendredi, en ignorant tout de ce qui était arrivé à sa mère et à sa soeur. Aussi les proches ont demandé une assistante psychologique pour l'accueillir en vue de lui éviter un choc et pouvoir contenir sa tristesse. La famille Kharifa a perdu deux enfants: Zidane (15) et Meriem (4), et la famille Nadir, la mère Nadia (29), dont le mari est un imam qui donne l'exemple par son comportement et sa patience. Il ne cesse de consoler les autres familles en rappelant que les morts du crash étaient tous des chahids. Ils seront accueillis chez Allah dans Son Vaste Paradis. Les autres morts sont Aïssa Yussef (12) qui s'exerçait au moment de l'accident à apprendre sourate Tabarak pour aller la réciter à son taleb et lui ramener un plat de couscous comme c'est de coutume, et enfin Aktouche Abderrahim (12). La plupart des enfants ont été surpris par le crash alors qu'ils jouaient dans la rue devant leurs maisons. Toutes les victimes ont été retrouvées carbonisés par les explosions successives de l'avion. De même, cette célébration a été l'occasion d'adresser une pensée en hommage aux membres d'équipage de l'avion, en soulignant leur courage, leur bravoure, notamment au commandant de bord, le colonel Abdessamed. Chacun y va à sa manière pour retracer les circonstances du crash en faisant ressortir la tentative du commandant d'éviter le pire au prix de sa vie et de celles des autres membres de l'équipage. En effet, notent des témoins, le commandant voulait diriger l'avion en détresse dans un terrain vague, lorsqu'il avait percuté un château d'eau avec l'aile de l'avion, ce qui lui avait fait perdre son contrôle. Le colonel, qui habitait dans un quartier de Beni Mered, était connu pour son sens élevé du civisme et était respecté de tous. Les victimes ont été inhumées durant le deuxième jour, au cimetière du quartier, en présence d'une foule nombreuse, des responsables militaires de la base aérienne de Boufarik et de la 1re Région, ainsi que des autorités locales dont le wali. Ce dernier a été violemment critiqué par des citoyens pour des propos parus dans la presse qu'il aurait tenus en disant que le crash avait atteint un bidonville et des habitations illicites. Une source de la wilaya a tenu à apporter un démenti catégorique par le biais de L'Expression à de tels propos diffamatoires diffusés à desseins, en affirmant qu'au contraire, le wali avait déployé tous les efforts pour venir en aide aux familles sinistrées.