Dirigé par une nouvelle figure plutôt populaire, le principal parti d´opposition de Turquie espère sortir renforcé des élections législatives, dimanche, avec un ambitieux programme de réformes sociales, face au favori, le parti islamo-conservateur au pouvoir. Le Parti républicain du peuple (CHP), le parti fondé par Atatürk qui prône la laïcité et se situe au centre-gauche, devrait arriver en seconde position, selon les sondages. Mais il pourrait empêcher le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir de remporter la «super majorité» qu´il convoite pour son troisième mandat. Souvent critiqué pour un laïcisme militant et ses sympathies pour les militaires, le CHP prône aujourd´hui des réformes démocratiques et la justice sociale, tentant d´attirer à la fois les conservateurs pauvres et les milieux libéraux urbains qui craignent que l´AKP, au pouvoir depuis neuf ans, ne se fasse de plus en plus intolérante. Selon les sondages, le CHP pourrait remporter 30% des suffrages dimanche, contre 20,8% en 2007, les nationalistes de droite et des candidats kurdes entrant également au Parlement. Ce qui priverait l´AKP de la majorité des deux-tiers nécessaire pour changer, comme il le souhaite, la Constitution sans avoir recours à un référendum. L´opposition soupçonne l´AKP de vouloir mettre en place un régime présidentiel, qui serait taillé aux mensurations de l´actuel Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan. Ce dernier supporte de moins en moins la critique, affirment ses détracteurs: il s´en prend régulièrement aux médias, et défend les violences policières. Des dizaines de journalistes sont en prison, et l´opposition dénonce des restrictions croissantes sur l´usage de l´Internet ou la consommation d´alcool. Des dizaines de généraux et amiraux sont en prison, accusés de divers complots. Le leader du CHP, Kemal Kilicdaroglu, affirme que l´AKP fait de la Turquie «l´empire de la peur», et qu´Erdogan «se prend pour le sultan». Le CHP promet de répondre aux demandes de la communauté kurde, notamment concernant l´enseignement de sa langue à l´école. Et sa principale proposition de mesure sociale est l´instauration d´une «assurance familiale», qui se traduirait par une allocation mensuelle d´au moins 600 livres turques (300 euros) pour les plus démunis. Le changement est survenu l´an dernier au CHP avec le départ précipité de Deniz Baykal, après la diffusion sur l´Internet d´images le montrant dans une situation compromettante avec une femme. Kemal Kilicdaroglu, 62 ans, qu´on surnomme «Gandhi» pour une vague ressemblance avec l´ancien dirigeant indien, s´est fait pour sa part une réputation de champion de la lutte contre la corruption, et il accuse régulièrement les dirigeants en place d´affaires malhonnêtes. Il a dirigé la Sécurité sociale turque, avant d´être élu au Parlement, en 2002.