Arezki Aboutte figure parmi les détenus de 1980 arrêtés suite aux événements du Printemps berbère. Actuellement, il est le coordinateur de la Maison des droits de l´homme et du citoyen de Tizi Ouzou (Mdhc-TO) avec la Laddh de Zehouane. Il est membre fondateur de l´UDR avec Amara Benyounès avant de s´en retirer. L´Expression: Depuis 2005, la «Ligue» est divisée en deux ailes. En tant que responsable de l´une d´elles, quel est votre sentiment? Arezki Abboute: Si je dois m´en tenir à un proverbe anglais qui dit qu´ «unis nous ne sommes pas sûrs de gagner, divisés nous sommes sûrs de perdre», je ne peux, bien évidemment, que déplorer cette situation, d´autant plus que je suis très au fait du prix que certains ont dû payer après la création de cette ligue, en 1985, pour avoir été moi-même membre du comité directeur de celle-ci aux côtés de Me Zehouane, de feu Dr Naït Djoudi, de Ferhat, de Me Aït Larbi, de feu Malika Zerrouki (moudjahida)... et, bien entendu, de Me Ali-Yahia Abdenour. Comme pour de nombreux autres militants j´imagine, pour moi également, de voir Me Zehouane et Me Ali Yahia se tourner le dos après 20 années de lutte pour la défense des droits de l´homme, souvent dans des conditions très difficiles, n´était ni facile à comprendre ni, encore, moins facile à accepter. En fait, je dois avouer que je n´avais compris ce qui s´était réellement passé qu´en 2006 quand j´ai repris avec la ligue via la Maison des droits de l´homme et du citoyen de Tizi Ouzou (Mdhc-TO) dont je suis présentement le coordinateur et à laquelle j´essaie d´apporter une modeste contribution au titre de la protection et la promotion des droits humains par l´organisation de séminaires de formation, de projection de films avec débat, de programmation de conférences et de cafés littéraires... Vous qui êtes un militant des années 80, pourquoi avoir choisi «l´aile Zehouane» au lieu de «l´aile Bouchachi»? Je ne ferai pas de commentaires sur les termes que vous avez préférés utiliser: «aile Zehouane»- «aile Bouchachi» et je ne reviendrai pas non plus sur le congrès qui s´est tenu à Boumerdès, en 2005, et qui a porté Me Zehouane à la tête de la Laddh, puisque, comme je vous l´ai déjà dit, je n´ai repris avec la ligue qu´en 2006. Soit, juste une année avant le congrès extraordinaire qui s´est déroulé à Alger, en 2007, et auquel, cette fois-ci, j´avais effectivement participé. Ceci étant rappelé, je vous dirai que j´ai connu Me Zehouane en 1985, lors de la création de la 1re ligue des droits de l´homme, j´ai été témoin du niveau de son engagement et de son implication dans la création de celle-ci, tout comme j´ai eu à apprécier sa disponibilité pour nos familles une fois que nous avons été arrêtés et détenus à Berrouaghia, Blida, Médéa et Ksar El Boukhari avant de le voir à l´oeuvre, comme avocat, lors de notre procès devant la cour de sûreté de l´Etat de Médéa, qui s´est tenu en décembre de la même année. Pour moi, ces quelques raisons peuvent, si besoin est, largement suffire et expliquer le pourquoi de ma place aux côtés de Me Zehouane. Mais, ceux qui me connaissent savent que je ne pouvais pas me contenter de cela puisqu´il m´avait fallu aussi et encore être sûr que Me Zehouane allait entreprendre un travail de restructuration de cette ligue, pour qu´à terme, elle sera indépendante de toute chapelle politique, ce que, je crois franchement, ne pas avoir été le cas auparavant. Peut-on espérer aujourd´hui, malgré la profondeur des divergences, l´organisation d´un congrès de réconciliation? Pour être franc, je ne crois franchement pas qu´une telle initiative puisse être envisagée aujourd´hui, tant le point de rupture entre les deux «ailes» est élevé. Cependant, je me garderai bien d´utiliser le terme «jamais», sachant ce qu´il en a été après le «Jamais tamazight ne sera langue nationale» du Président Bouteflika prononcé à Tizi Ouzou. De toute façon, je pense, pour ma part, que l´importance n´est pas dans la réconciliation ou la non- réconciliation, mais plutôt dans le fait de ne pas se tromper d´adversaires, car la situation des droits de l´homme dans notre pays est tellement catastrophique qu´il y a encore de la place pour de nombreuses autres associations de défense des droits humains.