En attendant le dénouement du conflit, près de 16 millions d'Algériens subissent les contrecoups de cette grève. Les postiers ne décolèrent toujours pas. Pour preuve, malgré les annonces en grande pompe de la réussite des négociations entre le ministère de tutelle et les représentants d´Algérie Poste, représentés par leur fédération dont les membres sont tous issus d´Algérie Télécom, les postiers maintiennent le cap. Mieux encore, ils durcissent le ton en gagnant à leur cause les indécis qui n´ont pas jugé utile de suivre la grève auparavant. Les résultats des négociations ont poussé ces derniers à adhérer massivement au mouvement de grève pour continuer le bras de fer avec un rapport de force plus conséquent. Ce qui a valu une paralysie totale des postes de l´Est du pays. A Constantine, la situation n´est guère reluisante et reste confuse car les travailleurs veulent reprendre le travail mardi 14 juin. A Béjaïa la grève a pris une autre tournure. En effet, la décision du coordinateur de wilaya d´Algérie Poste, qui a suspendu de ses fonctions la receveuse principale, Mme Aouicha Khoukha, «pour incitation à la grève», n´a pas arrangé la situation déjà suffisamment pourrie. L´intéressée a rejeté en bloc les accusations de son directeur en se fiant aux nombreuses correspondances adressées à ses directions locale et centrale. «Je n´ai pas fait grève, ni incité les travailleurs à la faire. Je n´ai fait que mon devoir de receveuse tout en respectant les travailleurs grévistes dans leur droit à l´exercice syndical. C´est un abus de pouvoir démesuré, qui entendra parler de ma réaction et celle des travailleurs en solidarité avec moi qui suis une simple fonctionnaire», a réagi la dame suspendue. En somme, cette décision a jeté de l´huile sur le feu. Tous les postiers de Béjaïa se sont ainsi solidarisés avec la receveuse. Un rassemblement imposant a été organisé hier, depuis 8h du matin, devant la direction de wilaya. Ils exigent la levée immédiate de cette sanction. Quant au mouvement de grève, ils ont décidé sa poursuite «jusqu´à satisfaction pleine et entière de notre plate-forme de revendications, ce qui est par ricochet un rejet catégorique des conclusions arrêtées lors de la réunion de négociations avec notre fédération», déclare un des postiers lors de la prise de parole improvisée avant qu´un de ses camarades complète par une autre déclaration: «Nous sommes les grévistes, seuls habilités à négocier au nom des postiers, notre fédération ignore nos conditions de travail.» Les grévistes ont décidé de s´organiser en désignant leurs représentants à partir d´hier. Décidément, le mouvement de grève des postiers est difficile à canaliser. Il échappe même, et pour la première fois, au contrôle traditionnel de l´Ugta. Décidés à faire sauter les verrous du contrôle organique de la Centrale, même si leur grève reste entachée de beaucoup d´irrégularités sur le plan réglementaire, les postiers ont voulu montrer la voie du changement dans la pratique ancestrale de la Centrale en matière de renouvellement des instances et autres structures de l´organisation. Décriée maintes fois et sur plusieurs plans d´ailleurs, la fédération des deux secteurs d´Algérie Poste et d´Algérie Télécom a subi un autre échec qui a porté un coup dur à sa représentativité. En effet, à l´origine du brouhaha qui a gagné le secteur des postes depuis l´installation du syndicat d´entreprise d´Algérie Poste, la fédération Ugta d´Algérie Poste est restée en marge d´un mouvement qu´elle ne peut ni contrôler, ni canaliser, encore moins domestiquer comme d´habitude.