Les constitutionnalistes regrettent que les réformes ne soient pas menées par des académiciens et des spécialistes. Les réformes initiées par les hautes autorités du pays ont besoin d´un sang neuf aussi bien du côté des consultés que des consultants. «On ne peut pas faire du neuf avec du vieux»,ont souligné à l´unanimité nombre d´experts en droit constitutionnel et en sciences politiques, hier, au Centre de recherche stratégique et sécuritaire (Crss), à Ben Aknoun (Alger). S´exprimant lors d´une conférence-débat le constitutionaliste, président du conseil consultatif maghrébin, Saïd Mokadem, a fait savoir que les consultations politiques portant sur les réformes manquent de lisibilité et soulèvent nombre de questions dont les reponses demeurent inconnues. Catégorique, il a soutenu que les réformes proposées ne sont pas menées par des académiciens et des spécialistes en la matière s´inscrivant dans une ligne indépendante par rapport à l´administration. Et de poursuivre que la commission de consultations politiques sur les réformes que préside Abdelkader Ben Salah est en train de recevoir les mêmes structures et personnalités qui ont été associées, par le passé, à des commissions de réformes, qui ont connu l´échec. Selon lui, pour réussir le chantier des réformes proposées par le président de la République, «il faut qu´il y ait au préalable un débat national, associant, sans exception, tous les Algériens qui peuvent apporter un plus pour construire un Etat de droit et démocratique». Il faut également, a-t-il soutenu, rétablir d´abord, le rapport de confiance entre le citoyen et l´Etat, voire entre les Algériens qui, depuis des lustres, ont perdu toute confiance. «Il faut commencer par le commencement; c´est-à-dire, ouvrir un débat national permettant de définir un projet de société dans lequel peuvent se reconnaître tous les Algériens et parler ensuite des réformes», a tenu à expliquer Saïd Mokadem, estimant que «les réformes, telles qu´elles sont menées ne provoqueront, en fin de compte, qu´un feu de paille». Dans le même sillage, le constitutionaliste fera savoir que le mal qui gangrène l´Algérie est surtout l´absence de l´application des textes de lois. Selon lui, même l´actuelle Constitution consacre aux Algériens d´exercer largement leurs libertés et leurs droits politiques et démocratiques, mais le problème, a-t-il relevé, se situe sur le plan de l´application de la loi. Et il en veut pour preuve, le refus de l´administration d´agréer des nouveaux partis politiques, alors que les textes de loi en vigueur ne s´y opposent pas. S´ensuit l´intervention de son collègue, Laïb Allaoua, un spécialiste du droit constitutionnel. Aussi critique dans sa lecture portant sur les consultations en cours, il a fait, remarquer, quant à lui, «qu´il faut sortir des chemins battus et des vieux carcans de la pensée unique». Les réformes proposées ont besoin de l´implication de tous les Algériens, a-t-il expliqué, avant d´ajouter que «l´Algérie compte un important nombre d´experts et de spécialistes dans tous les domaines, lesquels peuvent mettre les pierres angulaires pour instaurer un Etat de droit, au lieu de convoquer les même visages nourrissant le même discours rien que pour servir de façades». Abordant les circonstances dans lesquelles sont proposées les réformes, Laïb Allaoua a affirmé que «ces dernières sont proposées dans le sillage des changements et bouleversements régionaux». Et d´ajouter: «La Constitution algérienne telle qu´elle est ne compte pas de restrictions que ce soit sur le plan politique ou démocratique, néanmoins elle est violée et piétinée par ceux qui ont pour mission de veiller à ce que celle-ci soit respectée». La dépendance de la justice du pouvoir politique en est une preuve, selon lui.