Le «printemps arabe» a ouvert une nouvelle dynamique dans le Monde arabe et secoué les léthargies. Les plus chanceux ne vivent que des situations de transition difficiles, pour les autres, la répression et la peur font leur quotidien. Après six mois de révoltes sanglantes, qui ont commencé un certain 15 décembre 2010 en Tunisie, le calme ne règne toujours pas. Les pays qui ont réussi leurs révolutions passent par des impasses politiques d´envergure, quant aux autres, la répression se poursuit, sous le regard du monde entier. Les présidents tunisien Ben Ali et égyptien Moubarak sont tombés, mais les crises de la Libye à la Syrie, en passant par le Yémen ou Bahreïn, font peser de lourdes menaces sur l´avenir du «printemps arabe». La cascade de soulèvements, porteuse d´espoirs de démocratie d´une ampleur sans précédent dans cette partie du monde, se traduit aujourd´hui par un cortège de conflits, de crises et de graves problèmes économiques. La Tunisie, pays pionnier du «printemps arabe», qui vient de fixer au 23 octobre les premières élections de l´après-Zine el Abidine Ben Ali, semble mieux s´en sortir que l´Egypte où la transition «connaît un certain enlisement», estime-t-on. En Egypte, où beaucoup redoutent de voir les islamistes tirer parti de la situation après le départ de Hosni Moubarak, l´armée au pouvoir semble vouloir se contenter d´un «changement de façade.» Dans ces deux pays, les graves difficultés économiques ayant suivi la chute des régimes en place ont amené la communauté internationale à mobiliser des milliards de dollars d´aide. En Libye, Mouamar El Gueddafi, qui s´accroche face à une insurrection intérieure et aux frappes militaires de l´Otan, «semble mûr pour tomber, reste à savoir quand». En Syrie, loin de tirer les enseignements de la révolte arabe, le régime de Damas s´est engagé dans une répression massive. Le Yémen, dont le président Ali Abdallah Saleh est hospitalisé à Riyadh après avoir été blessé dans une attaque, risque de s´enfoncer dans le syndrome «somalien» (le chaos et la désintégration de l´Etat), a déclaré Antoine Basbous, de l´Observatoire des Pays Arabes (OPA) à Paris. Bahreïn, de son côté, a déjà connu sa «contre-révolution», après la répression de la contestation de février/mars. Les risques de contagion à d´autres pays sont réels mais restent incertains. «Les effets sur le reste de la région vont dépendre du résultat obtenu dans ces pays. Mais il n´y a pas d´effet mécanique, cela dépend beaucoup de la situation intérieure», fait valoir Rabab al-Mahdi, professeur de sciences politiques à l´Université américaine du Caire (AUC). De son côté, le Maroc table sur une politique de réformes pour répondre à la grogne et calmer les esprits. En Jordanie, par contre «les difficultés de la monarchie sont plus importantes, et il s´agit d´un pays entouré de voisins en crise.» Note Antoine Basbous. Malgré ces incertitudes, certains demeurent optimistes sur les acquis du «printemps arabe», qui a placé la démocratisation au sein de la problématique d´une région qui semblait vouée à rester un sanctuaire de régimes autocratiques intouchables. Aucune révolution ne ressemble cependant à une autre, et aucun peuple ne réagit d´une manière prévisible. Même chose pour les dirigeants et pour les observateurs, qui tantôt décident d´intervenir pour des raisons pas toujours claires. Intervenant toutefois dans des pays, mais hésitent à le faire dans d´autres. Ceci pour des raisons inconnues. Les Etats-Unis, grande puissance mondiale, qui se veulent les gardiens de la démocratie et des droits de l´homme, ont réagi avec prudence et pragmatisme aux révoltes dans le Monde arabe, entre tentatives de maintenir la stabilité d´une région cruciale pour leurs intérêts et volonté de soutenir les aspirations démocratiques des populations. Illustrations de ces différences de traitement: face à des répressions sanglantes, la Maison-Blanche a appelé le colonel Mouamar El Gueddafi à quitter le pouvoir et s´est engagée dans une opération militaire pour soutenir les rebelles en Libye. Plus nuancée pour ce qui est de la Syrie, la Maison-Blanche à cependant sommé le président Al Assad de «diriger la transition ou de se démettre» tandis que la famille régnante de Bahreïn s´est vue demander par M. Obama de «créer les conditions d´un dialogue fructueux» avec l´opposition.