Sans doute cet été, déjà bien «entamé», sera-t-il l'un des plus dangereux que l'Algérie ait jamais vécus, sans que cela ait rien à voir avec le terrorisme. Bien avant que ne commencent les grandes chaleurs estivales, le ton était déjà donné, encouragé, il est vrai par le séisme du 21 mai dernier et les conditions difficiles dans lesquelles vivent les centaines de milliers de sinistrés d'Alger et de Boumerdès. L'été s'est désormais solidement installé. Les épidémies aussi. Outre les habituelles maladies à transmission hydrique, certes plus nombreuses et plus virulentes qu'à l'habitude, des cas nombreux de méningite et de gale sont signalés un peu partout dans le pays. Cette résurgence de maladies, dites du pauvre, a de quoi inquiéter. La pire des maladies reste quand même la peste. Une maladie grave, mortelle, honteuse, moyenâgeuse, qui tend à gagner de plus en plus de terrain à l'ouest du pays. Aujourd'hui, que le cas de Saïda vient d'être formellement confirmé par notre correspondant sur place, on se trouve en face d'une épidémie qui donne l'air de toucher pas moins de cinq wilayas. Il est vrai que la responsabilité des collectivités locales est clairement établie dans leur insouciance ou incapacité à régler les nombreux problèmes d'hygiène et de distribution d'eau potable qui se posent dans ces régions bien plus qu'ailleurs dans le pays. Il n'empêche, comme le soulignent des experts contactés hier, que «la responsabilité du ministère est également clairement établie». Selon de nombreux témoignages et sources, «la levée de la quarantaine dans la localité de Kehaïlia, qui a obéi à des considérations purement politiciennes, a été une erreur très grave». Cette levée de quarantaine irréfléchie se trouve derrière la progression de cette maladie qui, présentement, touche pas moins de cinq wilayas de l'ouest du pays alors que le danger est encore loin d'être écarté. Loin s'en faut. Dans tous les pays du monde, comme chacun le sait, des têtes tombent systématiquement à chaque fois que de graves problèmes sont signalés. Mais ici, aucun responsable n'a été inquiété. Même pas un quelconque chef de daïra ou directeur de la santé et de la population. Depuis plusieurs années déjà, la sonnette d'alarme avait été tirée aussi bien par le Cnes que par l'Ugta et certaines formations politiques. Plus de dix millions d'Algériens vivent au dessous du seuil de la pauvreté alors que plus de la moitié de toute la population n'arrive pas à manger et à se soigner convenablement. Cela, sans oublier les conditions de vie et d'hygiène de plus en plus dégradées à cause du manque d'infrastructures et de moyens humains et matériels. La situation est tout simplement critique. L'été risque d'être particulièrement dévastateur si les choses continuent de se dégrader de cette manière. Les plus menacés, comme de juste, sont les camps de toile des sinistrés de Boumerdès et d'Alger dont les conditions de vie sont extrêmement difficiles en dépit des efforts fournis par les pouvoirs publics dans le but de rendre plus viable leur condition de sinistrés. Tous les observateurs s'accordent à dire que des mesures urgentes et importantes doivent être prises avant qu'il ne soit trop tard. Les intoxications alimentaires, en hausse durant cette saison, risquent elles aussi de provoquer de nombreux décès si, d'aventure, le botulisme venait à refaire son apparition comme cela avait été le cas à Sétif en 98 faisant pas moins de 42 morts. Avec l'apparition de la peste et, accessoirement, du typhus, le botulisme apparaît dès lors comme une maladie «secondaire» en dépit du nombre de décès qu'elle a provoqué. A cette époque, déjà, le ton avait été donné. Au lieu des nombreuses responsabilités et complicités dans cette affaire, seuls les lampistes, c'est-à-dire quelques petits fabricants de casher, avaient été jugés et condamnés. Les choses n'ont guère changé depuis...