Photo : Riad Par Amel Bouakba Fraîchement construits mais déjà complètement délabrés, c'est l'amer spectacle qu'offre la plupart de nos immeubles. Il suffit de faire un petit détour dans beaucoup de sites à Alger et ailleurs, pour se rendre compte de cette désolante réalité. Les cités livrées par l'AADL, par les OPGI et les EPLF ne remplissent pas, dans la plupart des cas, les normes de construction minimales. Certains bâtiments risquent même de tomber en ruine faute d'entretien. Il suffit de voir l'image qu'offrent aujourd'hui beaucoup de bâtiments OPGI qui n'ont pas été repeints depuis des décennies. De près, ces murs montrent de nombreuses fissures, en plus des problèmes d'étanchéité. Les immeubles gérés par l'OPGI présentent les mêmes caractéristiques. Des immeubles délaissés, aux murs «fatigués» et une propreté qui laisse à désirer. «L'OPGI ne fait rien, ce sont les locataires qui s'organisent et cotisent pour assurer l'entretien des immeubles», lance un locataire de l'immeuble 1er groupe, situé à la place du 1er Mai. «Nous avons dernièrement refait la peinture», dit-il. Dans certains quartiers à Alger, le délabrement s'est généralisé et aucune action ne semble être entreprise pour faire face à la dégradation ambiante. Certains vieux bâtiments à Alger dénaturent le paysage. La peinture n'a plus été refaite depuis des lustres… Le cas des logements AADL reste le plus édifiant. Ce programme si ambitieux avait suscité un immense espoir chez des milliers d'Algériens et les avait remplis de joie. Un projet qui devait tenir compte de plusieurs paramètres, dont l'architecture, l'environnement, l'entretien et qui était présenté comme un modèle, en rupture avec l'urbanisme «bricolé» du passé. Mais l'espoir de voir enfin des logements réalisés selon des critères reconnus s'est toutefois vite évanoui, après la réception des fameux logis. En guise de logements finis, comme stipulé par le contrat, les souscripteurs ont eu droit à des logements «mal façonnés», s'écrient des locataires de la cité des 558 logements AADL de Ouled Fayet bis. «Des travaux inachevés, des malformations sur le plan architectural, au niveau de la menuiserie, de la boiserie, de la maçonnerie, de la plomberie», s'insurge, hors de lui, Youcef, l'un des locataires de cette cité. «Les promoteurs se sont rabattus sur des matériaux bas de gamme et bon marché», dit-il, c'est «mal foutu», notamment pour ce qui est de la robinetterie et de la plomberie, cite-t-il. Ainsi, tout l'espoir porté par les souscripteurs autour des logements AADL s'est évaporé. Selon eux, «les promoteurs n'ont pas respecté leurs engagements». 5 ans à peine après les premières livraisons des logements de l'Agence de l'amélioration et du développement du logement, les signes apparents de dégradation commencent à apparaître. «Pannes d'ascenseur, vides sanitaires bloqués, eaux usées, absence d'hygiène… La gestion anarchique de l'AADL est un constat sans appel», déclare encore Youcef. Il ajoute qu'il y a beaucoup de problèmes dans cette cité AADL, dont ceux liés à l'ascenseur et les questions liées à l'hygiène et à l'entretien. «Les femmes de ménage recrutées ne font pas leur travail comme il se doit», dit-il. «Elles ne passent que rarement pour nettoyer.» Pourtant, les locataires payent des charges pour des services dont ils ne bénéficient même pas. «Ouled Fayet est un cas particulier», explique notre interlocuteur. Il cite le problème des moustiques qui envahissent les immeubles en raison de la stagnation des eaux qui infiltrent et dépassent les fondations. «Les services de l'AADL font un travail provisoire, du bricolage pour dégager ces eaux qui submergent les fondations des immeubles mais sans grand succès puisque les eaux remontent, ce qui crée un éternel problème.» Ce qui inquiète sérieusement les locataires car ce problème est dangereux, comme ils nous l'expliquent : «Cette eau affecte les fondations et cela risquerait d'emporter, et le mot n'est pas trop fort, ces bâtiments si jamais un séisme se produit.» Le problème de la remontée des eaux qui attire les moustiques existe aussi dans la cité AADL mitoyenne construite par la société égyptienne Arab Contractors. «L'AADL a été, à plusieurs reprises, alertée sur cette question mais aucune solution n'a été avancée», ajoutent nos interlocuteurs, et «le problème de la remontée des eaux demeure entier». L'autre problème dont se plaignent les locataires est celui des remblais. «Il y a des tonnes et des tonnes de terre extraites par la société chinoise réalisatrice du projet, lors des travaux de terrassement effectués dans cette cité», notent les locataires avant de préciser : «Ces tonnes s'amoncellent depuis des années et au lieu de s'en débarrasser, les services de l'AADL en ont fait un espace pour réaliser des aires de jeux sauvages…» Ce qui, selon nos interlocuteurs, crée des désagréments énormes. Un deuxième gestionnaire pour le site Sebbala Autre problème récurrent, celui des ordures ménagères mais il reste très lié à l'incivisme des locataires. S'agissant les pannes qui touchent les ascenseurs, elles sont «récurrentes», déplorent les locataires, de même que le délabrement des routes. «Les routes ont été construites «à la va-vite», pas étonnant qu'aux premières pluies il y ait des dégâts», s'indignent des locataires de la Cité 558 logements AADL de Ouled Fayet. La situation n'est guère reluisante au site 1827 logements de Sebbala, El Achour, l'un des sites les plus peuplés de l'AADL. «Un site à problèmes», lancent des habitants en colère, qui mettent en cause, en plus des problèmes d'immeubles «mal fagotés» et des bâtiments «fades», une gestion catastrophique de la cité. «Les gardiens des immeubles ne font pas leur travail», remarque un locataire. Même chose pour les femmes de ménage, «qui ne viennent pas souvent nettoyer», avoue une mère de famille. «Ainsi pour cette journée de lundi, sur 21 femmes de ménage, seules 9 sont venues faire le ménage», constate-t-on sur place. Une situation courante. Les pannes d'ascenseur sont, elles aussi, fréquentes. Sans parler des délabrements des routes. Et ce ne sont pas les seuls maux dont souffrent les habitants de la cité. Le mauvais état des conduites des eaux usées et des eaux pluviales est une triste réalité. «Lorsqu'il pleut, le bas des immeubles se transforme en marigot», expliquent des locataires. «Nous avons par ailleurs, été confrontés l'été dernier au problème des canalisations bouchées qui dégagent des puanteurs de toute sorte…» ajoutent-ils. A l'intérieur de certains immeubles, le constat est déplorable. C'est le cas pour l'immeuble n°15. Les marches pour accéder aux étages repoussent le visiteur. Elles sont jonchées de toutes sortes d'ordures. Et souvent, elles ne sont pas éclairées. L'éclairage public, voilà un autre problème qui s'éternise à la Cité des 1827 logements de Sebbala. Depuis plusieurs mois, les lampadaires sont devenus de simples éléments de décor. «Cela fait plusieurs mois qu'ils ne marchent plus», remarquent des locataires. Une situation qui a accentué l'insécurité et le banditisme dans les lieux. La réalité peut être encore plus cruelle. Selon une jeune maman résidant au bâtiment 14, «la cité Sebbala est le seul site AADL où il n'y a pas une aire de jeux, un petit espace pour enfants», rapporte-t-elle. Elle déplore le manque de sécurité omniprésent. «Le passage des camions pose un vrai problème», dit-elle. Et d'ajouter : «J'ai peur pour mes enfants, je ne peux pas les laisser sortir seuls dans la cité. L'été dernier, un semi-remorque a blessé une fillette de trois ans qui jouait en bas de l'immeuble», raconte-t-elle, tout effrayée. Elle constate également le manque d'hygiène. «En hiver, c'est encore pire, les pluies mettent à nu les anomalies de l'urbanisme et le mauvais entretien», observe un autre locataire, qui s'interroge sur le sort des frais d'entretien. «A quoi cela sert-il de payer des charges, si rien n'est fait en contrepartie», confie-t-il. Sur le site, le nouveau gestionnaire, un jeune homme plein d'entrain, compte prendre en main toutes ces préoccupations. Cela fait deux semaines à peine qu'il a pris les fonctions de son nouveau poste. Ce jeune homme a une bonne expérience derrière lui, notamment sur les sites AADL de Aïn Nadja et des Eucalyptus. Il est bien décidé à faire de son mieux pour donner de l'éclat à cette cité délaissée. Gest-Immo : vers une gestion efficiente Notre interlocuteur dira par ailleurs que le site Sebbal, l'un des plus importants de l'AADL, va être scindé en deux. Ainsi, un deuxième gestionnaire a été désigné pour mieux gérer ce site. C'est ainsi qu'il compte mettre fin à l'anarchie et la déliquescence qui s'est installée ces derniers temps sur ce site. «Nous avons reçu des instructions fermes de la part du directeur de Gest-Immo, filiale de l'AADL. Désormais, tout manquement, toute anomalie sera sanctionnée.» Une quinzaine d'«ascensoristes» sont recrutés pour l'entretien des ascenseurs, de même des conventions ont été signées avec des entreprises pour prendre en charge cet aspect. Il expliquera cependant que certains problèmes sont liés au manque de civisme des locataires, qui parfois laissent leurs enfants saccager le site. D'autres problèmes sont du ressort de l'APC d'El Achour. Il citera ceux de l'éclairage public, de l'hygiène et des eaux usées issues d'une décharge publique provenant de bidonvilles situés à proximité du site Sebbala (bâtiments 12 et 13). Ce gestionnaire a d'ailleurs saisi la mairie pour lui faire part de toutes les anomalies. L'entretien des routes, qui sont dans un état désastreux, notamment lorsqu'il pleut, incombe également à l'APC. Pour rappel, lors des dernières élections, toutes les APC ont reçu un budget pour restaurer les routes communales, mais apparemment rien n'a été fait. IL semblerait donc que les choses vont changer. Le tableau navrant qu'offrent les cités AADL a poussé les responsables de l'agence à en revoir la gestion. En tout cas, c'est ce qu'affirment les responsables de l'AADL. La nouvelle filiale Gest-Immo compte mettre de l'ordre dans toute l'anarchie qui règne et gérer de façon efficiente les cités AADL. «Gest-Immo a été créée sous forme d'une société par actions [SPA]», explique le responsable du site Sebbala. Il y a lieu de noter que nous avons essayé de joindre le directeur général de cette filiale, M. Kamouche mais nos tentatives sont malheureusement restées vaines. Aucune suite n'a été donnée à notre requête.