Désormais, les appréhensions algériennes de voir des armes libyennes tomber entre les mains des groupes terroristes deviennent réalité. Plusieurs trafiquants d´armes ont été interceptés aux frontières algéro-nigériennes par l´Armée nigérienne. Les contrebandiers transportaient des lance-grenades antichar RPG-7, de fabrication russe, des fusils d´assaut Kalachnikov, mais aussi 640 kg d´explosif, dont du Semtex tchèque, et de 435 détonateurs, selon des sources nigériennes. Ainsi, de telles saisies viennent de confirmer les pires craintes des services de renseignements algériens, voire occidentaux. Selon les services de sécurité nigériens, plusieurs combattants d´Aqmi faisaient partie du convoi. Sans l´ombre d´un doute, les hordes d´Aqmi ont acquis de grosses quantités d´armes et de munitions, à la suite de vastes opérations de pillage intervenues dans des casernes et des dépôts d´armes libyens. Les groupes d´Aqmi ont, il est utile de le rappeler, à la fin février, manifesté dans un communiqué leur solidarité avec les insurgés libyens, quoique ces derniers ont nié, de leur côté, tout lien avec Aqmi et dénoncent des informations fallacieuses. S´exprimant à ce sujet, l´amiral américain James Stavridis, commandant suprême des forces de l´Otan en Europe (Saceur), a toutefois évoqué, il y a quelques jours, devant le Sénat américain des signes ténus d´une présence d´Aqmi parmi la rébellion libyenne, sans rôle significatif dans le soulèvement: «Les Algériens sont très, très inquiets, avec de bonnes raisons», a déclaré à ce sujet un diplomate occidental. Le responsable de la sécurité de l´Otan a affirmé que «la coalition internationale qui intervient en Libye devait envisager la possibilité de voir Al Qaîda profiter d´un éventuel chaos consécutif au départ de Kadhafi pour étendre son influence vers la côte méditerranéenne». Cela confirme donc, le rôle des islamistes radicaux libyens. «Le rôle des islamistes libyens n´est pas seulement de lutter contre Kadhafi mais aussi de canaliser l´acheminement des missiles et des explosifs. Le but est de revitaliser les réseaux d´armements d´Aqmi», a estimé l´expert algérien, Mohamed Mokeddem, auteur notamment de l´ouvrage La France et l´islamisme armé. Et de poursuivre dans son diagnostic qu´avec l´armement pillé dans les casernes libyennes, ils sont passés au stade supérieur: les terroristes d´Al Qaîda disposent désormais d´armes de guerre sophistiquées, et c´est très inquiétant. De son côté, le ministre des Affaires étrangères malien a indiqué qu´Al Qaîda au Maghreb islamique (Aqmi) profite du conflit libyen pour se procurer des armes, dont des missiles sol-air, et les acheminer clandestinement vers son bastion du nord du Mali. Parmi ces armes figurent, à l´évidence, des lance-grenades antichar RPG-7, de fabrication russe, des missiles AT3 Sagger, missiles anti-char portatifs et des SAM-7. «Les SAM-7 sont les plus recherchés. Ce sont des missiles à tête chercheuse», a précisé une source militaire algérienne, soutenant que ces missiles (SAM-7), peuvent abattre un avion ou un hélicoptère à près de 5 km, guidé par la chaleur des moteurs. «C´est une technologie ancienne, mais une arme redoutable, si elle venait à tomber entre les mains d´un groupe terroriste», a-t-il ajouté. Dans le même contexte, Eric Dénécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, co-auteur d´un rapport récent sur la rébellion en Libye, intitulé Libye, un avenir incertain, a précisé que «des membres d´Aqmi auraient acquis plusieurs exemplaires de missiles sol-air portables de type SAM-7 auprès de trafiquants libyens». «Sur les SAM-7, il n´y a plus beaucoup de doutes», a noté Eric Dénécé, précisant enfin que «les services maliens le disent, les Algériens le disent. Où sont-ils partis? C´est une autre question... Et il y a tout ce qui a été exporté directement de Benghazi par mer: les mafias de Benghazi sont traditionnellement assez actives».