«Et qui pardonne au crime devient son complice». Voltaire La Révolution des jasmins continue doucement à faire son petit bonhomme de chemin sous l'oeil anxieux des observateurs qui se demandent bien quelle tête aura cet enfant conçu dans la fulgurance d'une chaude journée d'hiver. Pour l'instant, la réalité est là: amère et décevante. L'été a succédé à un printemps trop long et les touristes français qui, sous Ben Ali, avaient fait de La Goulette et de Hammamet des banlieues de Paris, ne sont pas au rendez-vous. Les hôtels sont tristes et les artisans chôment. Les Tunisiens ruminent en silence leur déconvenue et certains commencent déjà à regretter le temps bénit de la dictature. Mais, pour l'instant, ils ne sont heureusement, qu'une minorité bavarde. C'est normal, puisque la censure n'existe plus. C'est la raison pour laquelle, les responsables de la transition dite démocratique ont jeté en pâture à une rue impatiente, un procès que même les opposants les plus virulents au régime Ben Ali ont qualifié d'opérette. Mais les hommes politiques prennent en considération le facteur temps. Le temps est le meilleur pansement pour cicatriser les plaies béantes. Quand les blessures causées par les membres d'une même famille sont les plus dures à se refermer, il est difficile de tourner la page parce que les divers protagonistes du drame sont là et continuent à vaquer à leurs lucratives occupations pendant que des milliers de familles se lamentent, parce qu'elles ont été brimées, maltraitées, spoliées ou qu'une partie de leur précieuse vie a été détruite par un système qui s'est placé au-dessus de la morale et des lois. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il a fallu un travail laborieux, tant au niveau diplomatique que sur le plan judiciaire, aux Alliés pour mettre en place un tribunal international qui jugerait les nazis. Il a fallu d'abord définir les chefs d'inculpation, puis désigner les responsables, les décideurs comme les exécuteurs. Le premier chef d'inculpation fut la planification de l'extermination des juifs. Le reste suivit. Sans comparer ce qui ne peut pas l'être, il faudrait peut-être, dans tout jugement équitable, trouver l'origine du drame: est-ce le premier qui a décidé que «sa vérité» est la seule qui compte et que tous ceux qui ne sont pas d'accord doivent mourir? Est-ce ceux qui ont contribué à propager l'obscure idéologie qui a mené une jeunesse déboussolée vers des combats qui n'étaient pas les siens? Les nations occidentales, au lendemain de l'implosion de l'URSS, ont ouvert un nouveau chapitre dans les relations internationales: contrôlant l'ONU, les pays membres de l'Otan, à leur tête, les USA, se sont arrogé le droit de juger les chefs d'Etat. C'est une chasse qui rappelle, avec d'autres moyens bien sûr, la longue traque des criminels nazis par le lobby sioniste. Des prétextes variés sont trouvés à ceux qui sont devenus des obstacles au grand mouvement irrésistible des capitaux anglo-saxons qui veulent ouvrir toutes les frontières et soumettre à leur mode de production toutes les économies de la planète. Le contrôle des sources énergétiques constituant la condition sine qua non, les régimes les plus visés sont ceux des pays pétrolifères. Ainsi, des critères ont été définis par les pays de l'Otan pour classer les chefs d'Etat. On assiste à de véritables expéditions qui ne sont pas sans rappeler le temps des croisades et des opérations militaires qui finissent par détruire des pays avant que la généreuse Amérique ne leur offre une aide à la reconstruction financée par les victimes mêmes. Ceux qui ont causé et profité des ruines des entreprises d'Etat? L'information selon laquelle il manquerait environ neuf milliards de dollars au fonds financé par la vente du pétrole irakien met dans l'embarras l'administration américaine: le gouverneur de l'Irak, Paul Bremer avait fait voter, avant son départ, une loi d'amnistie blanchissant vis-à-vis de la loi irakienne tous les acteurs de cette funeste aventure. Qui jugera donc ceux qui se sont enrichis aux dépens de nations détruites? Les financiers s'en tireront toujours à bon compte, à Nuremberg comme ailleurs?