Longtemps, l'hôpital, au même titre que la prison, a été l'endroit où l'Algérien craignait le plus de mettre le pied. Alors que l'on annonce déjà son passage à la prochaine session automnale de l'APN, l'avant-projet de loi sur la santé, en débat depuis près de deux années, risque de faire des vagues au sein de la nébuleuse des blouses blanches. C'est que le projet, tel que le propose le département d'Aberkane, qui dit s'en être remis aux principaux partenaires lors de sa rédaction, ne manquera pas de compromettre bien des privilèges, bâtis sur l'ancien système de santé hérité des glorieuses années du socialisme triomphant postindépendance. D'ores et déjà, en sourdine, des bruits de grogne se font entendre. En arrière-plan, l'on crie à la précipitation et l'on dénonce la politique du fait accompli d'un ministre dont le texte de loi, s'il venait à être adopté, risquerait pour le moins de le rendre impopulaire. En fait, le projet d'Aberkane, ministre de la Santé, ne vise pas moins qu'à rendre toutes ses lettres de noblesse à un secteur public longtemps laissé en jachère. Sur le dos de ce dernier, tout un système de rente «clean et aseptisé» s'est construit, au détriment de l'équité et du Snmg de la justice sociale. Un secteur public, où du fait de l'hypocrisie admise, riches et pauvres ont été logés à la même enseigne, à tel point que nos hôpitaux ont fini par croupir sous le lourd fardeau d'une grosse ardoise. Dettes qui ont fini par reléguer les structures de soin nationales au rang de zone de parcage où l'Algérien boude. Désormais, les nouveaux textes (toute une batterie regroupant 444 articles ) feront office d'un fil barbelé qui risquerait de transpercer tous ceux, parmi les blouses blanches, qui s'aventureraient à garder un pied dans chaque camp: celui du privé et celui du public. Puisque la nouvelle législation, qui vise à intégrer le privé dans le système de soins, n'admettra plus les demi-mesures. Ceux qui exercent dans le public devront s'y engager corps et âme; tout un arsenal de mesures d'encouragement, telles les primes d'intéressement, est mis en branle pour favoriser l'émergence d'un service public fort et performant. Pérenne. Si le ministre de la Santé veut aller vite en besogne et passer sans plus attendre à la vitesse supérieure, c'est justement pour prendre de court tous les lobbies environnants dont le statu quo a souvent arrangé les affaires. Ainsi, aujourd'hui, Aberkane veut donner un grand coup de pied dans la fourmilière et sans plus attendre! Quant au citoyen, au-delà des débats, il n'aura qu'à choisir le modèle de son hôpital. Car le malade, au coeur de la réforme, sera le grand bénéficiaire de l'actuel plan révolutionnant la caduque loi de 1985 qui ne colle plus aux impératifs d'une mondialisation galopante ni à l'évolution épidémiologique ou démographique du pays. Aberkane, conscient qu'une telle politique audacieuse ne peut être menée sans un système de sécurité sociale fort et performant, promet d'appareiller au train des réformes qu'il prône avec tout un système de contractualisation à même de garantir l'accès aux soins et au remboursement des médicaments essentiels. Pour, entre autres, ne plus alourdir une facture déjà fortement lestée. Il promet à ce propos de soumettre l'épineux dossier de la sécurité sociale à la prochaine bipartite: tout un dossier à enrichir en parallèle, précise-t-il. Les premiers signes annonciateurs du changement salutaire escompté, et que drainera nécessairement la future loi sanitaire, sont là, fait-on remarquer, non sans citer à titre d'exemple le réaménagement des urgences médicales qui, de par les transformations et améliorations qui y ont été apportées, ont pu répondre aux pires situations inédites, induites par les récentes catastrophes, ou le volet prévention qui, mis en chantier récemment, a pu enclencher de vastes campagnes de vaccination tous azimuts. Le dossier, en pleine ébullition, promet d'autres rebondissements. Nécessairement.