Ahmed Ouahbi, un maître, une école Les artistes, qui se sont relayés sur la scène du Théâtre de verdure d'Oran, ont démontré leur attachement au verbe mesuré, récité en arabe dialectal propre à l'Oranie. Après que beaucoup de choses eurent été dites dans les éditions précédentes, la chanson, dont le style a été jalonné par les défunts Ahmed Wahby, Cheikh Fethi et Blaoui El Houari, a finalement, reconquis sa gloire d'antan. A la faveur du petit acte innovateur, la chanson oranaise, peut, dans le tout proche avenir, contrecarrer le chant au verbe cru, le raï. La troisième soirée du festival dédié à la chanson et musique oranaises a été révélatrice de plusieurs évidences incontournables, les jeunes artistes, professionnels ou amateurs, qui se sont succédé sur la scène du Théâtre de verdure d'Oran, ont tous démontré leur attachement et leur maîtrise du chant interprété en utilisant le verbe authentique et mesuré, récité en arabe dialectal de type oranais, loin de toute immixtion d'un quelconque verbiage. Sans intervention d'une quelconque langue étrangère comme il est d'usage dans le chant raï marqué par le mariage maladroit de quelques vocables étrangers compatibles avec l'arabe dialectal local. On a relevé ainsi que le spectacle de lundi soir a été époustouflant; le jeune Keskas El Houari a, en interprétant la célèbre chanson du défunt Cheikh Fethi, Loukane Tezyane Lakouba, démontré que le chant et la musique oranaises, même s'ils sont considérés agonisants, ne sont pas encore morts. Il ne manquait au jeune Keskas que de s'accompagner de l'accordéon, instrument qui ne quitte jamais Cheikh Fethi. Mieux encore, le jeune Keskas a été, sans détonner, très receptif aux temps musicaux imposés par l'orchestre professionnel guidé remarquablement par Abdellah Benahmed. Marquer, sans fausser la route, les exigences musicales de l'orchestre, reprises souvent, est pourtant du ressort des chanteurs aguerris. Lui emboîtant le pas, le jeune El Hadj Messabih n'a pas badiné avec son show. Ayant à peine foulé le podium que ce dernier est allé rendre, comme dans une longue odyssée, visite, à l'école mise en place par le défunt Ahmed Wahby. La totale a été ateinte lorsque Houria Baba, habituée des grandes scènes, s'est mise à interpeller la célèbre chanson de la défunte Sabah Saghira intitulée El Khomri. Houaria Baba est de ces purs-sangs infatigables lorsqu'ils se mettent devant un public exigeant comme celui d'Oran qui a atteint, ces dernières années, le summum de ses exigences. Cette revendication, qui est devenue une gourmandise insatiable, relève de la pure invention des interprètes du chant au verbe cru, le raï. Ces derniers, souvent complexés par le silence du public, incitent les spectateurs à plus de mouvements et d'ambiance. C'est devenu un rituel, tous les raïmen et raïwomen utilident des astuces qui peuvent mettre en mouvement les foules les plus crispées. Dans le cas de Houria Baba, les spectateurs, tout en applaudissant la chanteuse, ont été attentifs et admiratifs. Minuit a sonné lorsque Hasni Seghir a été annoncé. Ce dernier a, sans attendre, puisé les chansons de son show du large héritage du roi de la chanson sentimentale, le défunt Hasni. En somme, la prophétie de Abdelkader El Khaldi, qui a déclaré lors de la première soirée que le chant oranais se porte en parfaite santé s'est, donc, concrétisée.