Les rites et coutumes égaient le mariage algérois Les rites ancestraux et les usages d'antan dans la préparation des cérémonies des mariages, tant à Alger que dans les vieilles villes du pays, comme Tlemcen, Constantine ou Bejaïa, pour ne citer que celles-ci, trempent l'essence de leur attrait dans les coutumes locales anciennes, qui sont souvent empreintes de religion et de piété. Ce moment d'union est solennel à plusieurs titres. L'adieu au célibat est souvent considéré comme une tare dans notre société, la fondation d'une famille, donc de futurs enfants, avec un secret espoir que ce soient des mâles, et l'entrée du jeune homme parmi la «confrérie» des adultes. Certains parmi ces derniers l'y accueillent d'un air condescendant alors que d'autres, des amis, le font amicalement et avec une joie non dissimulée. Il y a deux décades environ, fut débattu à Tlemcen, lors d'un colloque international «les savoir-faire ancestraux de Tlemcen et de sa région» Le thème du mariage à Tlemcen, qui y fut abordé, a permis à des chercheurs de renom de présenter des réflexions intéressantes et curieuses à la fois. L'un d'eux, Adel Issam, s'est employé à mettre en relief la relation existant entre les rituels pratiqués dans la cérémonie de mariage à Alger et les sens que leur donne localement la société. De notre côté, un entretien intéressant avec El Hadja Mimi T. de Kouba, vieille algéroise qui frise la centaine, femme active au verbe alerte et l'esprit vivace, nous a révélé quelques rituels observés, à l'époque, à Alger, au siècle dernier. Ainsi, nous dit-elle, en comptant les différentes étapes et rites accomplis, chacun de son côté par le couple, le jour du mariage le mari accompagné de ses amis intimes, faisait son entrée dans le patio (ouast ed dar) de la maison parentale, à la Casbah, sous les youyous stridents des femmes, des jeunes filles surtout, qui n'attendaient que ce moment pour voir le promu (laârous) tout en susurrant des voeux de voir un jour leur souhait d'union s'accomplir pour elles. Cette arrivée, assimilée à une entrée en scène, était le lancement d'une cérémonie encore bien ancrée au sein de notre société. Il s'agit du rituel du cérémonial du «henné», cette substance dont on enrobe à Alger, un ou deux doigts, l'index et le majeur de la main droite du futur marié. Ce cérémonial varie selon les régions du pays quant à la partie de la main qui doit être enduite de «henné». Le «maître» de la cérémonie ne pouvait être qu'un ami intime du futur mari ou à la rigueur un proche de la famille. Enveloppé généralement d'un burnous blanc immaculé avec, à l'époque en question, un fez rouge ornant son couvre-chef, le futur mari s'installe, toujours sous les youyous. Cette réjouissance très conviviale, est ponctuée par des tirades poétiques à souhait chantées pour louer les qualités du futur mari. Elles sont ponctuées après chaque louange de youyous qui donnent le frisson à tout un chacun qui ressent profondément la solennité de ce moment fort. Une envolée musicale châabie rythmée soigneusement est exécutée juste après que le mari ait brisé du pied l'ustensile en terre ayant servi au malaxage du henné. Un geste prouvant la «virilité du mari», explique Tante Mimi. Le morceau de musique qui suit est accompagné de danses exécutées par les amis et invités sous les cris de joie de tous attisant l'ardeur des danseurs dans l'exécution de leurs rondes, par des interjections qui ressemblent fort aux «olé» qui fusent dans une arène de corrida. Parfois, pour les plus nantis, un groupe de Zernadjia accompagne ce moment solennel, ajoute El Hadja Mimi T. Des boissons chaudes, thé ou café sont servies. Elles étaient servies, en ce temps- là, dans de petites tasses en porcelaine du terroir algérois fendjel pour le café ou dans des verres joliment décorés pour le thé. Pendant ce temps, le mari sort avec ses amis intimes qui tentent de le soustraire du stress qui accompagne tout nouveau marié. Peu après, il est raccompagné par ces mêmes amis jusqu'à la porte de la chambre nuptiale. Tante El Hadja Mimi T. n'a pas manqué de nous narrer le cérémonial qui se déroule peu de temps avant, chez la mariée. Il arrive souvent, très souvent même, dit-elle, que la mariée sorte en pleurs, entraînant avec elle ceux de la maman et de ses soeurs, chez lesquelles se mêlent joie et tristesse face à cette séparation, au demeurant, bien accueillie et applaudie par tous intérieurement. La bienheureuse, sommes-nous forcés de l'appeler, franchit la porte du domicile de ses parents, au bras droit protecteur de son père qui, par ce geste, lui promet bienveillance et défense tant qu'il est en vie. Elle est entièrement recouverte d'un haïk merema, soigneusement confectionné par le tisserand renommé de la Casbah, Abderrezak El Harrat et commercialisé par El Hadj Benkanoun. Le must quoi! C'est son beau-père qui l'accompagne à sa nouvelle demeure où elle est accueillie par sa belle-mère avec une tasse de lait et des dattes. Son mari l'accompagne alors vers le «trône» de la «tesdira» qui est dressé au milieu du patio. Elle est vêtue de tous ses atours du fameux «qat», «karakou», «seroual el chelga» en velours gracieusement échancré jusqu'au genou, le tout agrémenté de l'incontournable foulard «f'toul» confectionné en fils de soie. Ce châle est du reste utilisé aussi dans les villes de Constantine et Tlemcen, précise encore El Hadja Mimi T. Si cortège il y a, la mariée est accompagnée par sa soeur et sa belle-soeur. Le beau-père peut être remplacé, si il y a lieu, par l'oncle maternel, paternel, ou un membre de la famille proche de la mariée... Merci, tante El Hadja Mimi T. de nous retremper dans ces souvenirs et de narrer ces moments merveilleux aux nouvelles générations afin que le patrimoine commun algérien puisse continuer d'exister dans nos coeurs et nos comportements de tous les jours.