La quantité détournée aurait pu servir à la construction de 8 000 logements Les quantités écoulées sur le marché parallèle ont rapporté 398 milliards de centimes aux contrebandiers. Opération coup de poing dans le marché national du ciment. Pas moins de 42 personnes ont été arrêtées par les unités de la Gendarmerie nationale de l'Est. Une opération rendue possible grâce à une enquête menée par la 1er Crgn «en vue de procéder à l'inspection des projets en cours de réalisation et de les évaluer comparativement aux budgets alloués au titre de l'ouverture de ces marchés. Cette expertise s'est soldée par l'arrestation de 42 prévenus», a-t-on indiqué. Les révélations de cette enquête demeurent édifiantes et renseignent parfaitement sur l'impact du trafic de ciment sur l'économie nationale. La quantité de ciment obtenue auprès de cinq unités de production et de distribution de ciment dans les willaya de l'Est a dépassé les cinq millions de sacs de 50 kg, d'une valeur de 169 milliards de centimes au tarif référentiel de 320 DA le sac. Cette quantité a été écoulée sur le marché parallèle et a rapporté 398 milliards de centimes, soit un prix de 750 DA le sac. Ainsi, la marge bénéficiaire des contrebandiers a dépassé les 228 milliards de centimes. Une simple opération de calcul permet de déduire que la quantité de ciment détournée suffit à la construction de 8850 logements sociaux de type F3 si l'on sait que la quantité nécessaire pour la construction d'un logement est de 30 tonnes de ciment. «Dans le but d'obtenir de grandes quantités de ciment et de les revendre à des prix exorbitants au marché noir, un groupe de malfaiteurs a utilisé des document falsifiés les présentant comme des entrepreneurs investis de projets imaginaires. L'enquête qui a duré neuf mois a révélé l'implication de quelques travailleurs de l'usine de ciment dans ce trafic», a indiqué le lieutenant-colonel Mustapha Lalmas, comandant du groupement de la Gendarmerie nationale dans un entretien accordé à la revue El-Djeich. En effet, c'est une pratique très utilisée sur l'ensemble du territoire national. Le procédé est simple: «Il s'agit de faux dossiers techniques achetés et utilisés pour permettre à certains entrepreneurs de s'alimenter en quantités importantes de ciment auprès des cimenteries», nous a appris une source de la Gendarmerie nationale. En clair, «les contrebandiers utilisent ces faux documents pour «attester» de l'octroi d'importants projets, présentent ces faux dossiers et, ainsi, s'alimentent auprès de ces cimenteries», a précisé notre source. Cela démontre parfaitement l'absence de contrôle de la part des services commerciaux des cimenteries. Voire même la complicité de certains travailleurs dans ces usines. Pourtant, «un dossier technique est exigé par les cimenteries aux entrepreneurs engagés dans la réalisation de projets pour les alimenter en quantités de ciment suffisantes pour la concrétisation de ces projets», explique un travailleur d'une cimenterie. Des dossiers qui doivent contenir des contrats signés avec le maître de l'ouvrage, ainsi que d'autres documents dont celui prouvant l'octroi du marché. Jusque-là, rien d'étonnant. Sauf que «les entrepreneurs présentent, à travers ces faux dossiers, des projets fictifs, à titre d'exemple, de faux contrats avec l'Office de promotion et de gestion immobilières (Opgi) pour des projets de réalisation de logements sociaux et participatifs», révèle-t-il. Le ciment est disponible à des prix deux à trois fois plus chers sur le marché noir. Le marché régulier, lui, connaît des perturbations périodiques causées par les spéculateurs. Pour l'heure, les enquêtes ouvertes par les différents corps de contrôle demeurent insuffisantes et n'ont aucun impact palpable sur la réalité. Ce qui reste étonnant, c'est que la Société de gestion des participations ciment n'a pris aucune disposition afin de surveiller les fuites, la spéculation et le trafic qui entourent ce matériau. Les gestionnaires complices de tels détournements, sont aujourd'hui pointés du doigt. En somme, nombre d'experts s'accordent à dire que l'importation de ciment ne réglera pas le problème. La décision comporte uniquement l'augmentation du risque de détournement. L'urgence de mettre en place une vraie stratégie de contrôle pour cette filière, de l'avis des experts, ne fera qu'épargner l'économie nationale de cette criminalité.