Quel jeu joue la France dans cette affaire? Dans le temps, lorsque des guerres s'embrasaient, elles s'achevaient, comme d'habitude, dans la douleur sans que la population du globe tout entier sache que dans telle ou telle région du monde deux peuples en étaient venus aux mains. Aujourd'hui, avec les boulevards de l'information, Internet et la réduction des distances grâce à l'informatique, rien ou presque ne se produit sur notre planète qui n'est su par des milliards d'individus quasi instantanément. Les télévisions, qui jouent un rôle primordial comme vecteurs de diffusion rapide, ne cachent pratiquement rien à personne, sauf probablement aux tribus amazoniennes qui font encore tout pour se protéger des tendances phagocytaires du monde dit moderne. Conclusion: lorsqu'un événement se produit dans le monde, il est aussitôt répercuté dans les chaumières par la TV et les radios, mais aussi par les journaux qui s'en emparent pour le rendre intelligible. Dans le cadre de la rubrique A coeur ouvert, le quotidien L'Expression a voulu en savoir davantage sur 1a volte-face du gouvernement marocain à propos de la dernière mouture du plan James Baker, dont le but vise la décolonisation du Sahara occidental pour permettre à ses habitants de passer à une seconde phase de leur existence, à savoir le développement. A cet effet, nous avons invité le président de la commission des affaires étrangères, M.Saddek Bouguettaya, qui est député et membre du comité central du parti du FLN. Une découverte pour L'Expression car Bouguettaya, qui parle rarement aux médias inutilement, est un Monsieur qui sait combien comptent l'analyse et les mots dans les relations internationales. Dans cette affaire de volte-face, ce qui a étonné le président de la commission des affaires étrangères de l'APN, c'est le comportement de la France, comportement ambigu s'il en est, vis-à-vis des Sahraouis. Il y a quelques semaines encore, le mini-stre français des Affaires étrangères, dans sa contribution qui tentait d'éviter l'irréparable en Irak, M.de Villepin avait recueilli l'approbation et le soutien moral de l'ensemble des pays du Tiers-Monde. Pour autant, ce qui s'est passé par la suite en Irak ne change rien à la position qui fut celle de la France qui, en dépit de calculs sordides et des frustrations enregistrées après la victoire des Anglo-Américains et leur mainmise sur les richesses pétrolières irakiennes, mérite d'être applaudie. Grâce à la circulation rapide de l'information, voilà que la même France, qui avait joué un rôle d'avant-garde pour empêcher l'attaque des Anglo-Américains contre l'Irak, se précipiter illico au secours du Maroc pour le soutenir dans sa volte-face. Evidemment pour ce faire, rien n'est trop beau pour le royaume chérifien. De la prise de position à la tentative de blocage, le ministre de Villepin n'a rien omis pour arriver à son but, y compris le fait d'aller faire pression avec Chirac sur au moins 13 des 15 membres du Conseil de sécurité élus, sans compter les membres permanents. Ayant beaucoup fait pour éviter à l'Irak une éventuelle dislocation à la longue, la France s'est aussitôt précipitée pour nous rappeler à une vitesse vertigineuse qu'elle ne s'est jamais départie de ses atours d'ancienne puissance coloniale qui, avec l'Angleterre, avait dominé le monde. Pour dorer la pilule aux Algériens afin qu'ils se taisent et n'interviennent nullement dans ses desseins, elle commença d'abord par «autoriser» le retour d'Air France vers l'Algérie puis, comme s'il s'agissait de la Corse, elle mit sa propagande en route pour annoncer qu'elle allait organiser un Conseil des ministres «spécial Algérie» comme si notre nation figurait parmi les pays vivant en dessous du seuil de pauvreté. Avec Saddek Bouguettaya, nous fûmes sur le point de conclure qu'il y avait du louche dans l'air, dans la mesure où le gouvernement algérien ne s'est pas encore prononcé sur le nouveau refus de Mohammed VI d'aller vers le référendum d'autodétermination du peuple sahraoui. Quel jeu joue la France dans cette affaire? Ayant grossièrement perdu contre les Américains dans l'affaire de l'Irak, la voilà résolue à soutenir le Maroc contre les résolutions pertinentes des Nations unies recommandant le référendum d'autodétermination pour décoloniser le Sahara occidental. La France, qui possède 80% de l'économie nationale marocaine, donne l'impression que tout le tapage qu'elle a fait autour de l'Irak n'était qu'un moyen subtilement élaboré pour replonger dans le néo-colonialisme! Une affaire à suivre.