Le militant de la cause nationale n'est plus. Cet enterrement reste le second événement où il y avait autant de monde après celui de Si Hamimi Alliane, un membre fondateur de la Fédération de France et premier député de Bouira. Le village de Chorfa, chef-lieu de commune à 45 kilomètres au nord-est du chef-lieu de la wilaya de Bouira a enterré l'un de ses érudits en la personne du docteur Abderrahmane Chibane. Il y avait foule pour accompagner au cimetière de Sidi Amar Chérif le disciple et élève du penseur national Abdelhamid Ben Badis. Hauts responsables, parents, simples citoyens... ils sont venus de partout pour rendre un dernier hommage à l'une des figures nationales les plus en vue dans le domaine de la théologie et défenseur émérite d'un Islam ouvert aux cultures, d'un Islam tolérant et d'un Islam apolitique. Son frère Saïd, professeur en ophtalmologie recevait les condoléances en compagnie d'El Hadj Ali, ancien secrétaire de wilaya des moudjahidine et des autres membres de la grande famille. Le professeur Saïd porte des signes de fatigue apparents sur le visage. La procession a quitté le domicile familial, situé juste à l'entrée du village pour se diriger vers la mosquée où s'est déroulée la prière du vendredi et celle du mort. La distance entre la mosquée et le cimetière a été empruntée par voiture d'où l'obligation de fermer la circulation pour les usagers venant de Béjaïa et se dirigeant vers Bouira, le temps du passage du corps couvert d'un drap vert. Lors d'une oraison funèbre prononcée sur place, on a retracé l'itinéraire du long combat mené par Abderrahmane Chibane pour faire valoir notre «algérianité» dans le cadre des principes de l'Islam. Né le 23 février 1918, le défunt a toujours défendu l'idéal d'une Algérie libre avec ses trois composantes que sont l'Islam, l'arabe et l'amazighité. L'orateur annoncera le contenu du message de condoléances de Son Excellence, le président de la République. Issu d'une famille aisée, mais très conservatrice, Abderahmane Chibane a suivi ses études à Constantine avant d'aller perfectionner ses connaissances en Tunisie. Rentré au pays après l'indépendance, il a assumé plusieurs hautes responsabilités avant de présider aux destinées de l'association des Ouléma musulmans, fondation de son premier maître. Il a été ministre des Affaires religieuses de 1980 à 1986. Il a aussi été directeur d'Al Bassaïer jusqu'à sa mort. Même si le professeur a quitté son village natal très jeune, il n'a pas cessé durant toute son existence à garder le lien. Lui et son frère le professeur Saïd Chibane, n'hésitaient pas à donner un coup de main à toute personne qui les sollicitait au niveau de la capitale. Lors de son enterrement, ses compagnons de lutte pour l'identité nationale et l'indépendance ont voulu lui rendre un hommage en parlant de son amour pour le pays, son engagement et sa modestie. Il n'aimait pas qu'on l'appelle professeur. Après une longue maladie qui l'a cloué au lit, il a rendu l'âme, laissant un grand vide parmi les siens. La disparition de Abderahmane Chibane est une grande perte pour la réflexion autour de l'Islam en ces temps où cette religion est utilisée à des fins inavouées. Chorfa, un village qui vit au ralenti a renoué hier avec la foule pour accompagner à sa dernière demeure, à Sidi Amar Chérif, un saint, un de ses nombreux enfants qui ont marqué l'histoire d'une empreinte que rien ne peut effacer. Précisons que cet enterrement reste le second événement où il y avait autant de monde après celui de Si Hamimi Alliane, un membre fondateur de la Fédération de France et premier député de Bouira.