Leur mort ne sera pas qu'un simple sacrifice mais une halte malheureuse à même de réveiller les consciences. Il y avait foule hier sur les hauteurs de la vallée de la Soummam. Une foule si dense, que les routes existantes n'ont pu contenir. N'était l'implication des villageois, beaucoup de personnes n'auraient pas pu assister à l'enterrement des sept patriotes assassinés par les terroristes, samedi dernier en fin de journée. Les localités de Chemini, Mezgoug et Akfadou n'ont jamais été visitées par autant de monde à la fois comme elles n'ont jamais enterré autant de leurs fils à la fois. Les dépouilles de Hamou Tahtah, 41 ans, Mustapha Hamamouche, 47 ans, Rachid Adjaout, 47 ans, Saïd Adjaout, 56 ans, Madjid Hadid, 62 ans, Abdelaziz Hadid, 61 ans, Mohand Lamine Djoudad, 68 ans, étaient arrivées avant-hier, pour certaines tard dans la nuit. Hier, ils ont été inhumés dans leurs localités respectives, situées à 70 km environ du chef-lieu de la wilaya de Béjaïa dans une ambiance empreintes de tristesse mais aussi de colère. Venus de toutes les contrées de la wilaya et d'autres régions du pays, les citoyens étaient unanimes à relever, d'abord la baisse de vigilance aussi bien de ceux chargés de la sécurité que des habitants qui ont fini, avec le temps, à ne plus accorder d'importance au phénomène terroriste. L'embuscade de samedi dernier arrive pour ainsi dire comme un pincement douloureux afin de réveiller tout le monde de sa torpeur. Il faut se rendre à l'évidence que ce n'est pas fini, commente un des présents, moudjahid: «La lutte antiterroriste concerne tout le monde et ne doit pas être l'apanage des seules forces de sécurité (...) Les élargis constituent un terrain important pour la logistique des groupes armés. Ce qui rend la collaboration de la population capitale pour la neutralisation de ces bandes de desperados qui sèment la terreur.» D'autres les appellent les «érudits» qu'il faut éliminer et combattre jusqu'à leur mort. Dans les commentaires des citoyens, il est relevé une perte d'humbles citoyens, de leur vivant, rappelant pour ceux qui les connaissent, de par le voisinage ou l'engagement dans la lutte antiterroriste, leur droiture, leur intégrité, leur patriotisme, leur dévouement et leur engagement. Les défunts ne lésinaient sur aucun moyen pour venir au secours de leurs semblables, de leur région et enfin de leur patrie. Avant-hier soir, un moudjahid du village d'imaghdassen, dans la commune d'Akfadou, affirmait n'avoir jamais vu autant de monde. Se remémorant, les années de la guerre de Libération, il a eu ce commentaire lourd de sens. «Notre commune n'a, depuis l'indépendance, jamais enterré autant de ses enfants à la fois. Ce sont des choses qu'on croyait ne plus vivre avec la fin de la guerre.» C'était quelques minutes après l'arrivée des corps, aux environs de 22h, le grand espace du village s'est avéré, à cette occasion, trop exigu pour accueillir tout ce monde. Hier, il en fut de même; les visiteurs ont parcouru de nombreux kilomètres sans pouvoir rallier les domiciles où étaient exposées les dépouilles. Une foule impressionnante dans laquelle se trouvaient des officiers supérieurs de l'ANP, des cadres de la wilaya, le wali de Béjaïa, des chefs de daïra, des représentants de partis politiques, des députés des différents courants politiques, des patriotes, des anonymes. «Ils n'ont jamais reculé dans les moments difficiles, de jour comme de nuit. C'étaient de véritables hommes de terrain, et nous leurs sommes reconnaissants», commente-t-on un peu partout lors de la cérémonie d'inhumation organisée par intervalle d'environ une heure et demie. Le premier défunt à être enterré fut celui de Mezgoug, puis viennent successivement ceux d'Imaghdassen à Akfadou, les trois de Chemini et le dernier, le chauffeur du fourgon attaqué, du village Mezoura. Les cercueils recouverts de l'emblème national étaient transportés par des citoyens des différents villages jusqu'aux cimetières. La foule s'est dispersée ensuite avec la ferme intention de dresser une stèle commémorative pour lutter contre l'oubli mais aussi de relancer la vigilance quelque peu négligée ces dernières années.