«L'extrême pauvreté rend permis de tendre la main devant des gens» Selon les préceptes de l'Islam, la pauvreté est un problème social qu'il faut chercher à résoudre. Et parmi l'ensemble des voies de l'Islam proposées à ce sujet, figure l'institution de la Zakat. Selon le docteur Abderrahmane Stambouli, professeur à l'université de Tlemcen, le Coran a mentionné (9/60) une liste précise de catégories sociales pouvant bénéficier de la Zakat, en expliquant que celle-ci ne peut donc pas être dépensée pour tout acte de bienfaisance. Deux d'entre ces catégories sont toutefois constituées de pauvres: al- fuqara wal massakin (les pauvres et les nécessiteux). Toutefois, l'interlocuteur a tenu à faire deux importants rappels: «D'emblée, il nous faut rappeler qu'il y a une distinction entre le niveau d'extrême pauvreté, qui rend permis de tendre la main devant des gens et le niveau de pauvreté relative, qui rend permis de prendre seulement la Zakat». En somme, ne peut demander aux gens une aide financière que celui qui n'a pas de quoi se nourrir durant la journée, d'après le hadith du Prophète (Qsssl) (rapporté par Abou Daoud, n°1388). Au regard de l'interprétation contemporaine, c'est celui qui souffre de «pauvreté absolue» (d'autres hadiths existent également sur le sujet, ce qui a entraîné d'autres avis). Quant à celui qui ne souffre pas, il ne peut pas quémander aux gens. «Il faut également rappeler que l'Islam a voulu que la Zakat aille à ceux qui en ont réellement besoin, mais pas à ceux qui ne travaillent pas ou ne veulent pas travailler par paresse, point commun entre l'un et l'autre», dira le Dr Stambouli, en argumentant avec des hadiths du Prophète (Qsssl). Dans l'un de ces hadiths Mohammed (Qsssl) a dit à deux hommes robustes venus lui demander une part de la Zakat: «(...) Il n'y a pas de part dans la Zakat pour un homme riche, ni pour un homme disposant de ses forces et pouvant travailler» (rapporté par Abou Daoud, n°1391). Certains mujtahids comme l'imam al-Chafi'i et Ahmed Ibn Hanbel ont donc établi que cette considération était à prendre en compte prioritairement. Selon le cheikh Djaber Messaoud, de la zaouïa el alaouïa, «Abou Hanifa n'aurait pas retenu cela», ceci concerne celui qui ne travaille pas, alors qu'il en a les possibilités. Par contre, il y a bien, sûr, celui qui a une excuse valable l'empêchant de travailler, comme un handicap physique, ou une grave maladie, le fait de suivre ses études et aussi de subir le chômage, comme c'est la situation de milliers de personnes de nos jours, etc. Celui vivant l'une de ces situations ouvre droit à la Zakat. Il en est de même de celui qui travaille, mais dont le revenu ne couvre qu'une partie de ses besoins essentiels. Il fait bel et bien partie de la catégorie des pauvres, et en tant que tel, ouvre droit à la Zakat. Dans ce contexte, il est donc indispensable de savoir, ou plutôt d'en savoir plus sur la pauvreté. Quel seuil de pauvreté permettant de recevoir la Zakat? Ces deux considérations une fois évoquées, il est maintenant possible de se demander si la pauvreté permetant de recevoir la Zakat? Il y a divergence des opinions des savants musulmans et celles des sociologues contemporains. Les deux prennent en compte la notion des besoins essentiels qu'ils nomment la «kifaya». Sur ce sujet, Mme Allali Fadhila, professeur en sociologie, estime que la personne qui peut subvenir à ses besoins essentiels n'est pas pauvre et ne peut donc pas prétendre à la Zakat, en ajoutant que, de plus, la personne qui n'a pas suffisamment de biens pour subvenir à ses besoins essentiels, peut prétendre à la Zakat, parce qu'elle est considérée comme pauvre. Viennent ensuite, selon notre interlocutrice, plusieurs sous-catégories, selon que ces personnes possèdent de quoi subvenir à au moins 50% de leurs besoins, ou qu'elles ne puissent même pas subvenir à 50% de leurs besoins. Quels types de besoins sont considérés comme essentiels? Le savant hanafi Ibn al Malik, dit ainsi que les besoins essentiels sont constitués de «ce qui permet à l'homme de vivre. «En effet, soit que cela contribue réellement à le faire vivre, comme les dépenses liées à l'entretien, l'habitation, les vêtements, soit que cela y participe indirectement, comme les dépenses liées au règlement de dettes. Ceci étant nécessaire pour éviter un éventuel emprisonnement, ou ce qui permet de travailler, ou comme les effets ménagers, les montures pour voyager, les livres pour la connaissance etc.», a expliqué le professeur Allali en se référant à la Hashiyat d'Ibn Abidin, al Bahr ar-raiq, cité dans la Fiqh uz-zakat p.172, p 34. Certains ulémas hanafis considèrent qu'en ce qui concerne les biens de consommation, c'est le fait d'être utilisés qui fait d'eux des biens relevant des «besoins essentiels», tandis qu'en ce qui concerne la monnaie, c'est le fait de devoir être versée pour régler une dette existence qui fait d'elle une partie des «besoins essentiels» (Wel haja el-a asliyya fi-d-ddarahim an takuna mashghoulatan bid-dayn, wa fi ghayriha ihtiyajuhu ilayhi fil-istimai wal-ma ash», Hashiyat ala-hidaya, tome 1, p 87). Il en résulte que si quelqu'un possède de l'argent, mais qu'il n'a pas de dettes à éponger, il devrait verser cet argent. Ce dernier est considéré comme étant «en plus de ses besoins essentiels», même s'il est certain qu'il va très bientôt devoir le dépenser pour l'achat des moyens de consommation qui font partie de ses besoins essentiels»; il ne peut donc recevoir de Zakat. Mais quel est donc le montant de cette aide financière, qu'est la Zakat? A ce sujet, les avis des mujtahids sont divergents. Certains sont d'avis qu'il ne faut pas dépasser un certain seuil. D'autres pensent qu'il est, au contraire, souhaitable de donner en une fois à un pauvre tout ce qui l'aidera à s'en sortir. Ensuite, parmi les partisans du deuxième avis, certains recommandent de donner de quoi vivre décemment au pauvre et qui lui serait suffisant pour une année; d'autres sont de l'avis de donner au pauvre ce qui pourra lui suffire toute la vie, surtout si sa pauvreté est liée à un problème de santé, l'empêchant notamment de travailler. En conclusion, la Zakat, l'un des cinq principaux dogmes de l'Islam, a certainement un rôle important à jouer dans la réduction de la pauvreté. Il est aujourd'hui du ressort des musulmans de chercher à l'appliquer en tant qu'élément du culte divin et comme moyen de réaliser un développement humain. Sur ce dernier volet, il est important de rappeler que la wilaya de Annaba est classée première à l'échelle nationale en matière de collecte des fonds de la Zakat. Ces fonds, notons-le, ont permis à des milliers de personnes de créer leur propre entreprise et de créer plusieurs postes d'emploi. Pour le moment, lheure est à la Zakat El Fitr, qui a été fixée cette année à 100 DA par personne, que les fidèles sont tenus de faire parvenir aux pauvres, la veille de l'Aïd El Fitr. Wallahu Aâlam (Dieu Seul sait).