Des militaires dont plusieurs officiers comparaissaient hier devant un tribunal d'une banlieue d'Istanbul dans le cadre de la deuxième étape des poursuites engagées pour un complot présumé qui visait à renverser le gouvernement islamo-conservateur turc. Au total 28 militaires, dont 21 sont incarcérés, sont jugés dans un centre de détention près d'Istanbul pour leur participation à l' «Opération masse de forgeron», conspiration présumée datant de 2003 et qui viserait, selon l'acte d'accusation, à commettre des attentats pour semer le chaos et justifier un coup d'Etat contre le parti de la justice et du développement (AKP), issu de la mouvance islamiste, du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis 2002. Les suspects risquent 15 à 20 ans de prison. Le plus important des suspects est le général quatre étoiles Bilgin Balanli, ex-chef des académies militaires turques, qui devait devenir commandant des forces aériennes cette année avant d'être arrêté en mai. Il est actuellement le plus gradé des militaires d'active arrêtés et écroués dans le cadre de plusieurs complots présumés visant le gouvernement. Le général Balanli a dénoncé à l'ouverture du procès un «lâche complot» pour ternir l'image de l'armée turque, affirmant que les accusations pesant sur lui et ses compagnons d'armes étaient «contraires à la raison», a rapporté la chaîne d'information NTV. Son avocat a réclamé que son client soit libéré, affirmant que les preuves établies à son encontre, notamment des documents saisi dans sa caserne, avaient été «falsifiés», selon l'agence de presse Anatolie. Le procès a été ajourné au 3 octobre. Certains suspects ont réclamé que les juges se désistent de cette procédure L'an dernier, le premier volet de cette enquête avait entraîné la comparution d'environ 200 militaires d'active ou de réserve. L'enquête, qui constitue une menace de taille contre l'institution militaire, jadis acteur politique de premier rang en Turquie, a mis en cause une quarantaine de généraux ou amiraux, soit un dixième de la haute hiérarchie militaire. Les inculpés prétendent que le plan incriminé était un scénario pédagogique parmi d'autres, décrivant une situation fictive de tension pour évaluer les meilleures façons d'y faire face. Ils mettent également en cause l'authenticité de certains documents présentés comme des preuves. Fin juillet, l'état-major des armées a dû faire face à une démission collective des principaux commandants, dont le chef de l'état-major, une situation inédite en Turquie, sur fond de crise entre les militaires et le gouvernement sur la détention prolongée des militaires soupçonnés de complots. Depuis 1960, l'armée, qui se voit comme le rempart contre toute atteinte à la laïcité, a évincé quatre gouvernements. Après la démission du chef d'état major, le gouvernement, peu impressionné, a immédiatement nommé un successeur, le général Necdet Özel. Le conflit entre le gouvernement et l'armée dure depuis près de dix ans, dont la démission de l'état-major pourrait être l'une des dernières étapes.