En déclenchant la perestroïka, Mikhaïl Gorbatchev (photo) à ouvert un mouvement dont il perdit le contrôle, entraînant la dislocation de l'Urss 20 ans après le putsch manqué des conservateurs soviétiques, en août 1991, contre la perestroïka de Mikhaïl Gorbatchev, la Russie se remémore un soubresaut de l'histoire qui porta un coup fatal à l'Urss, dissoute quatre mois plus tard. Lorsque les Moscovites découvrent le 19 août 1991, des colonnes de chars dans les rues, que le pays entier apprend par la télévision d'Etat que le président soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, est empêché «pour raisons de santé» et qu'un Comité pour l'état d'urgence a pris le pouvoir, les Soviétiques ne sont qu'à moitié surpris d'un coup de force conservateur qui couvait depuis des mois. Lancée en 1985 par M. Gorbatchev, la politique de perestroïka (reconstruction) et de glasnost (transparence) a ouvert la porte à un élan de liberté qui bouscule le rôle dirigeant du Parti communiste et suscite des désirs d'indépendance dans les républiques de l'Union soviétique. Lituaniens et Géorgiens ont déclaré leur indépendance, des heurts ethniques ont éclaté dans la Caucase et en Asie centrale, les caisses de l'Etat sont vides et la population fait des queues interminables pour des produits de première nécessité. Depuis des mois, Mikhaïl Gorbatchev est tiraillé entre les conservateurs du parti, qui exigent une reprise en mains, et les démocrates qui réclament d'aller plus vite sur la voie des réformes et des libertés. Sous pression, le dirigeant soviétique a renoncé fin 1990 à un plan de libéralisation économique, et en janvier 1991, l'intervention des troupes d'élite du KGB contre les séparatistes à Vilnius fait 14 morts. «Gorbatchev disait qu'il manoeuvrait», dira ensuite l'ex-idéologue de la perestroïka Alexandre Iakovlev. Mikhaïl Gorbatchev a alors face à lui Boris Eltsine, à la tête de la République de Russie, très populaire, et qui exige en février sa démission. Un des piliers de la perestroïka, le ministre des Affaires étrangères Edouard Chevardnadzé, a démissionné en décembre en dénonçant la montée d'une dictature. Au début de l'été, pour éviter l'éclatement pur et simple de l'Urss, le président soviétique consent à élaborer un nouveau «Traité de l'union» qui accorderait une grande autonomie aux républiques. C'en est trop pour les conservateurs. Après lui avoir rendu visite sur son lieu de vacances en Crimée pour exiger qu'il revoie sa position - des témoignages font état d'une réponse ambiguë -, huit hommes, parmi lesquels le chef du KGB, Vladimir Krioutchkov, le ministre de la Défense, Dmitri Iazov et le ministre de l'Intérieur, Boris Pougo fomentent un putsch. Le 19 août, Gorbatchev est isolé du monde dans sa villa de Crimée, avec son épouse Raïssa et sa famille. L'état d'urgence est décrété pour six mois, les blindés ont pris position dans Moscou. Mais les putschistes manquent de détermination, ou leurs ordres ne sont pas exécutés. Boris Eltsine, qui n'a pas été arrêté, prend la tête de la mobilisation, soutenu par des milliers de Moscovites. Des unités militaires se rallient. Un accrochage entre militaires et manifestants fait trois morts, les seuls de ce coup de force. Les Russes se mobilisent également à Leningrad, la deuxième ville du pays qui n'a pas encore repris son nom de Saint-Pétersbourg, autour du maire démocrate Anatoli Sobtchak, dont le proche conseiller est un certain Vladimir Poutine. Washington et Londres expriment leur soutien à Boris Eltsine. L'Allemagne reste fidèle à Mikhaïl Gorbatchev. Quant au président français, François Mitterrand, il prend acte dans un premier temps des déclarations des putschistes, une reconnaissance de fait qui lui sera reprochée par la suite. Le 21, le putsch est défait. Le 22, Gorbatchev revient à Moscou, mais son pouvoir est chancelant face à Boris Eltsine. Le même jour, des milliers de Moscovites, armés d'une grue, déboulonnent place de la Loubianka, devant le siège du KGB, l'immense statue de Félix Dzerjinski, fondateur de la première police politique soviétique, la Tchéka. Les républiques soviétiques proclament les unes après les autres leur indépendance. L'Urss est dissoute en décembre et Mikhaïl Gorbatchev démissionne. Arrêtés (sauf Boris Pougo qui se suicide le 22 août), les putschistes seront graciés par Boris Eltsine.