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Comprendre le nouveau r?gime russe
Publié dans La Nouvelle République le 14 - 02 - 2009

Le titre choisi ici fait écho à l'ouvrage de référence de Marc Raeff sur l'histoire politique de la Russie, Comprendre l'ancien régime russe1. L'auteur de ces lignes n'a pas la longue expérience de l'auteur du livre cité, fruit d'une fréquentation assidue et prolongée des sources et d'une réflexion approfondie portant sur une histoire bien plus longue que cette douzaine d'années d'existence du nouveau régime russe.
Cependant, il poursuit l'objectif de replacer la réflexion sur le fonctionnement du régime politique de la Russie contemporaine dans une perspective historique. Le retour à l'histoire et l'attention portée aux continuités sociales, institutionnelles ou culturelles, permet en premier lieu de préciser, sinon de relativiser, voire de démystifier les questionnements qui prévalent aujourd'hui : la Russie est-elle une démocratie ? En quoi le régime post-soviétique se démarque-t-il des démocraties occidentales, et pourquoi ?
Le règne des poncifs
Depuis deux siècles au moins, la Russie occupe une place très particulière parmi les « autres » que l'Occident se construit. Tout à la fois chrétienne et européenne, c'est-à-dire civilisée, et « asiatique », c'est-à-dire barbare, la Russie est l'étranger exotique le plus proche de l'Europe, par son histoire et sa géographie. La Russie est un miroir à travers lequel l'Occident perçoit ce qui n'est pas occidental et qui reflète les fantasmes occidentaux sur les traits distinctifs de leur identité. En d'autres termes, l'intérêt des Occidentaux pour la Russie est plus animé par une volonté de se définir que de comprendre la civilisation russe pour ce qu'elle est. La genèse de l'orientalisme au xixe siècle ainsi que les débats contemporains sur l'appartenance ou non de la Turquie à l'Europe procèdent également de la projection de fantasmes, à la grande différence près que la Russie n'est jamais tout à fait « autre ».
Au xixe siècle, ce sont ces fantasmes et poncifs occidentaux qui définissent l'orientation et la teneur du débat intellectuel en Russie. La haine de soi des intellectuels occidentalistes et le chauvinisme des intellectuels slavophiles sont autant de réponses, bien souvent péremptoires, au même questionnement sommaire : la Russie appartient-elle au monde occidental ? On voit apparaître en Occident deux versions idéalisées de cet « autre Occident » ou de cet « Orient très proche ». Pour les uns, la Russie est un pays archaïque où règnent la violence et l'arbitraire, la corruption à tous les étages, la vulgarité et la saleté, un pays où la crédulité et l'ignorance font rage. D'autres mettent l'accent sur l'archaïsme russe, qui serait une vertu. En Russie, l'absence de démocratie vaut mieux que la démocratie en trompe l'œil du capitalisme, où la raison et la science n'ont pas encore triomphé de la croyance en Dieu qui protège l'homme du désenchantement.
Après la révolution de 1917, ces deux séries de poncifs se perpétuent. Pour les héritiers des russophobes, l'URSS est la patrie de l'oppression aveugle et du totalitarisme. Les sympathisants du socialisme, au sens large du terme, se font plutôt russolâtres : c'est l'heure de la « grande lueur à l'Est ». La guerre froide consolide ce clivage, qui structure la controverse savante entre soviétologues « totalitariens » et « révisionnistes » aux États-Unis. Au-delà de la dimension proprement politicienne d'un débat lié à la définition d'une position américaine dans son rapport avec l'URSS, on constate que bien des « totalitariens » boivent à la source russophobe de la Russie archaïque et despotique par nature et que bien des « révisionnistes » se désaltèrent à celle qui abreuvait, au xixe siècle, les thèses du populisme russe qui exaltait les vertus démocratiques d'un peuple qui ployait pourtant sous le joug, l'ignorance et la pauvreté. Cette russolâtrie quelque peu rousseauiste renaît d'ailleurs pendant la Perestroïka, où certains ont voulu croire que les réformes gorbatchéviennes traduisaient une demande sociale parvenue jusqu'aux oreilles des dirigeants, signe qu'une « société en mouvement » s'emparait, enfin, des rênes de l'histoire…
À l'ère post-soviétique, rares sont ceux qui distinguent à l'Est un signe de renouveau et d'espoir, sinon quelques croisés du marché libre, avant, toutefois, la crise financière d'août 19984. La Russie est devenue, dans la conscience collective occidentale, un « trou noir » géopolitique. Cette expression évoque aussi un pays plongeant dans le chaos, le désordre et la corruption et renouant avec le despotisme, voire la dictature sur fond de déchéance sociale et d'appauvrissement généralisé, sources d'un fascisme rampant dont les manifestations de racisme et d'antisémitisme seraient, en ce début de millénaire, autant d'incontestables signaux… Un regard, même furtif, sur l'image donnée de la Russie d'aujourd'hui dans les médias occidentaux confirme la prégnance de ces poncifs, bien servis par une certaine esthétique de la décadence très prisée par les journaux et magazines. Si, par bonheur, la russolâtrie, qui a culminé avec le mirage soviétique, n'est plus de mise aujourd'hui, on regrette vivement que l'image de la Russie et de ses habitants soit si constamment déformée et caricaturée. La quête, par les Russes, de motifs de fierté nationale est généralement considérée, en Occident, comme vaine, voire pathologiquement « revancharde » ou « impérialiste ».
Aujourd'hui, le poncif politique le plus répandu est qu'aucune « véritable démocratie » ne peut émerger en Russie. Un autre poncif, moins courant mais néanmoins présent dans le discours savant ou militant, suggère que l'importation de la « démocratie de marché » occidentale, plus ou moins dictée par la « globalisation néo-libérale », a mis un terme au processus de « réelle démocratisation » amorcé sous Mikhaïl Gorbatchev. Comment, sous le règne des poncifs, comprendre le nouveau régime russe ?
Le césarisme originel
Le nouveau régime russe est marqué du sceau du césarisme8, car il revêt, dès son origine, plusieurs caractéristiques qui s'y rattachent : il s'agit d'un régime démocratique non représentatif où le président dispose d'un pouvoir fort dont la légitimité fondatrice réside dans la résolution d'une crise politique. C'est une démocratie née du fiat du premier chef d'État russe de l'histoire élu au suffrage universel direct, Boris Eltsine, à la faveur de la crise qui paralyse le pouvoir au cours des deux premières années de l'existence de la Russie post-soviétique (1992-1993). Le président russe mène par décret une politique de réformes économiques radicales auxquelles le Soviet suprême s'oppose systématiquement. Le conflit entre les pouvoirs exécutif et législatif, qui jouissent tous deux d'une légitimité démocratique récemment acquise, ne trouve pas d'issue. Six mois après un référendum en forme de plébiscite qu'il interprète en sa faveur, Boris Eltsine dissout le Parlement en octobre 1993. Proclamant l'état d'urgence, il fait donner l'assaut contre les élus retranchés à l'intérieur du bâtiment de la Maison blanche, là même où le Président russe avait symboliquement posé sur un char pour les photographes, en août 1991, drapeau tricolore russe à la main, pour défendre les acquis démocratiques contre le putsch anti-Gorbatchev. L'emblématique coup de force du président contre le Soviet suprême constitue l'apogée du césarisme et le point de départ du nouveau régime consacré par la Constitution adoptée le 12 décembre 1993. La primauté présidentielle est désormais constitutionnelle et le caractère présidentialiste du régime ne fait que se renforcer par la suite. Le nouveau régime russe est aujourd'hui souvent qualifié de monarchie élective. La dynamique césariste était en marche depuis 1989. C'était alors que le dernier secrétaire général du PCUS, Mikhaïl Gorbatchev, lançait sous le mot d'ordre de démocratisation la troisième phase de la Perestroïka, qui visait à opérer un transfert du pouvoir du parti, dont le rôle dirigeant est aboli en février 1990, vers l'État. Un an après les premières élections semi-libres de l'histoire de l'URSS, en avril 1989, Mikhaïl Gorbatchev se fait élire président et chef de l'État, une fonction qui, en URSS, était de facto exercée par le secrétaire général du parti. Au sommet de l'État, du parti et à la tête des forcées armées, il cumule tous les pouvoirs régaliens, civils et militaires. Pourtant, son impuissance ne fait que croître. Face à lui, un pôle de pouvoir se constitue autour de Boris Eltsine. Exclu des instances dirigeantes du PCUS en 1987, l'ancien secrétaire du parti de la région de Sverdlovsk, dans l'Oural, puis de la ville de Moscou construit une entreprise politique fondée sur son charisme personnel et un discours réformateur plus radical que celui de Mikhaïl Gorbatchev. Boris Eltsine prône la rupture avec le système soviétique et l'indépendance des républiques qui la souhaitent. Favorable à l'instauration d'une démocratie à l'occidentale et à des réformes économiques libérales, il fait usage d'une rhétorique qui dénonce la corruption et les privilèges de la classe dirigeante, la nomenklatura. Après l'élection de Boris Eltsine à la présidence de la Russie au suffrage universel en juin 1991, la rivalité entre les Présidents russe et soviétique devient l'axe central de la vie politique. Après le putsch manqué contre Mikhaïl Gorbatchev, Boris Eltsine prend les commandes, bénéficiant de l'onction d'un suffrage populaire que M. Gorbatchev, élu Président de l'URSS par le Parlement, n'avait pas eu le courage d'affronter.
En octobre 1993, la dynamique césariste donne un coup d'arrêt à l'embryonnaire démocratie représentative russe, en gestation au sein des soviets régionaux et du Soviet suprême, presque tous dissous. Plus qu'un type de régime, le césarisme est en effet une certaine forme d'économie du pouvoir. La notion de césarisme renvoie à des situations historiques très diverses. Outre l'antique césarisme romain, il désigne le Second Empire (1852-1870), le régime de l'Allemagne du Second Reich (1871-1918) voire ceux, plus contemporains, de la Pologne du maréchal Pilsudski (1926-1935), du Brésil de Getulio Vargas11 (1937-1944). Bien des régimes, antérieurs comme postérieurs, relèvent du césarisme, en particulier en Amérique latine, terre du caudillisme. Tous ces césarismes ont un point commun : un exécutif fort dominé par un chef politique au leadership charismatique et, en contrepoint, des institutions parlementaires faibles, voire quasi inexistantes. En outre, certains éléments césaristes sont bien présents dans des démocraties représentatives, comme la Ve République, un régime auquel la Constitution russe post-soviétique se réfère de manière explicite.
La Russie est-elle une démocratie ?
Le nouveau régime russe est le fruit d'une dynamique démocratique enclenchée par le haut. La démocratisation gorbatchévienne visait à reconstruire la puissance et à restaurer le crédit international de l'URSS. Après la dislocation de cet État en 1991, le nouveau pouvoir affiche l'objectif de faire de la « nouvelle Russie » une démocratie à l'image des démocraties occidentales à l'appui d'une demande de soutien politique et financier des dirigeants occidentaux. Ainsi, l'option en faveur d'un régime démocratique pluraliste vise-t-elle d'abord à renforcer la légitimité des dirigeants par le biais du suffrage universel plutôt qu'à jeter les bases d'une véritable démocratie libérale.
La métamorphose de la démocratie
Avec la fin de la guerre froide et de la confrontation idéologique entre les deux grandes puissances, l'instauration d'une démocratie « de type occidental » est devenue, pour tous les États du globe, un impératif conditionnant leur acceptation au sein de la communauté internationale et un critère déterminant pour l'octroi de certains avantages économiques ou la mise en œuvre de certaines politiques publiques internationales. Aussi tous les États, ou presque, s'efforcent-ils d'apparaître comme démocratiques, en réformant leurs systèmes politiques, voire en se dotant d'institutions nouvelles. Autant dire que les anciennes pratiques n'en disparaissent pas pour autant du jour au lendemain. Ainsi, en raison de son expansion planétaire, la démocratie est-elle devenue protéiforme. La frontière entre démocratie et autoritarisme est devenue très poreuse.
(A suivre)


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