Abdallah II de Jordanie accède à une partie des demandes de l'opposition sans pour autant aller à la monarchie constitutionnelle Le roi Abdallah II avait annoncé, dimanche, les recommandations de la commission nommée par lui en avril, prévoyant notamment la création d'une cour constitutionnelle, d'une commission indépendante pour surveiller les élections. La réforme constitutionnelle annoncée cette semaine en Jordanie, bien que jugée insuffisante par l'opposition islamiste, devrait aboutir à terme à un rééquilibrage des pouvoirs dans le royaume à condition d'être traduite en actes, estiment des analystes. Pour Mohammed Masri, chercheur au Centre d'études stratégiques jordanien, la Jordanie est à l'aube d'un «moment historique», qui pourrait transformer la vie politique du royaume, à deux conditions. «Il faut que ces modifications constitutionnelles soient soumises à référendum pour que chacun se sente acteur de ce nouveau pacte social, puis il faudra traduire en acte ces réformes pour qu'elles soient plus aux yeux des citoyens que de l'encre sur un bout de papier», note le chercheur. Mohammed Momani, professeur de sciences politiques à l'université de Yarmouk, insiste également sur la durée du processus. «Ces réformes ne vont pas subitement propulser la Jordanie dans la démocratie, il va désormais falloir traduire en actes l'esprit de ces réformes à travers des élections», notamment au Parlement, estime-t-il. Les recommandations, formulées par une commission nommée par le roi après des manifestations dans le royaume hachémite sur fond de «Printemps arabe», visent à répondre aux revendications des protestataires, notamment en rééquilibrant les pouvoirs. «Les amendements proposés pourraient rééquilibrer la balance et instaurer la séparation des pouvoirs. Le régime a compris que les choses ne pouvaient pas continuer en Jordanie de la même façon qu'avant le Printemps arabe», poursuit M. Masri. «Les propositions créent le bon équilibre, renforcent le rôle du Parlement, limitent celui du gouvernement et protègent le pouvoir judiciaire», estime de son côté l'éditorialiste politique Oreib Rintawi qui dirige le Centre d'études politiques Al Quds. Le souverain Abdallah II avait annoncé dimanche les recommandations de la commission nommée par lui en avril, prévoyant notamment la création d'une cour constitutionnelle, d'une commission indépendante pour surveiller les élections et l'abaissement de l'âge minimum pour être élu au Parlement à 25 ans contre 35 actuellement. En outre, le tribunal militaire de la sûreté de l'Etat, illégal pour l'opposition, ne pourra plus juger que les cas de haute trahison, d'espionnage et de terrorisme. Mais pour Mu'ath Khawaldeh, porte-parole du Mouvement de réforme populaire et de la jeunesse, ces recommandations «ignorent les principales revendications populaires». «Nous manifestons depuis des mois pour réclamer des réformes nécessaires et essentielles pour l'avenir, mais nous n'avons vu aucune de nos demandes dans ces recommandations», lance-t-il. Suivant l'exemple des Tunisiens et des Egyptiens, la jeunesse jordanienne qui représente quelque 70% des six millions d'habitants, avait rejoint les islamistes et d'autres groupes pour réclamer des réformes politiques et économiques. La puissante opposition islamiste juge elle aussi insuffisantes ces réformes, le Front d'action islamiste (FAI) réclamant en particulier que le roi ne puisse plus désigner le Premier ministre de son choix mais qu'il soit obligé de nommer le chef de la majorité parlementaire. «Ils n'ont pas pris la mesure de la situation locale et régionale, ils ne se sont pas montrés à la hauteur des attentes du peuple», estime Zaki Bani Rsheid, qui dirige le bureau politique du FAI. «Nous avons besoin de plus d'amendements pour donner le pouvoir au peuple. Nous avons besoin de gouvernements parlementaires issus d'élections justes», poursuit-il.