Ils tombent les uns après les autres. Et El Gueddafi n'est certainement pas le dernier... Les Occidentaux ne cessent de lancer leurs avertissements. Tous les dictateurs du Moyen-Orient et d'ailleurs, sont sommés de s'en remettre à la volonté de leurs peuples. Mais pourquoi s'acharne-t-on à rappeler des évidences? Le message a du mal à être entendu. Il aurait donc fallu des bombes, comme à Baghdad, lorsque Saddam était encore aux affaires, pour que l'affaire soit entendue. Il y a une telle aversion, dans certaines parties du monde, à se soumettre au verdict des urnes qu'il ne reste plus que les canons pour déloger des dirigeants enracinés au pouvoir. Mais cette manière de faire n'est pas exempte de tout reproche. Une démocratie au bout de la baïonnette ne pourra peut-être jamais être une démocratie parfaite. Encore qu'en Irak et en Afghanistan, il n'y a même presque plus d'Etat. Des pans entiers de la population de ces deux pays ne sont pas parvenus à composer avec ce qu'ils qualifient de forces d'occupation. Voilà un risque bien réel qui se dessine à nos portes. Que le conflit libyen prenne des formes inattendues. Et qu'il dure, empoisonnant de la sorte tout le climat politique et sécuritaire de l'Afrique du Nord et de la bande du Sahel. Pour l'instant, on n'a qu'un assurance: que l'Otan n'entend pas implanter une base militaire en Libye. Pour toutes les autres forces, c'est le flou total. Que fera la tribu d'El Gueddafi? Quelle serait la réaction d'Aqmi? Ce sont autant d'inconnues qui méritent réflexion. L'autre réflexion urgente à engager est celle de détecter les voies les plus susceptibles de conduire les dirigeants arabes à accepter le principe d'alternance au pouvoir sans être chassés par des chars ou des révoltes populaires. Mais, apparemment, peu d'entre eux se plient à cette exigence. En Syrie et au Yémen, ce n'est toujours pas le cas. Pour les monarchies du Golfe, le rêve d'élections démocratiques a encore moins de chance de se concrétiser. L'Arabie Saoudite veille à ce que ce ne soit pas le cas au Bahreïn et dans d'autres émirats et royaume. Dans quelques parties de ce vaste Moyen-Orient, il n'y a même pas de notion de citoyen. Dans d'autres, ce sont les femmes qui sont privées du droit de vote. Dans ces conditions, les critères d'une démocratie, selon les critères occidentaux, sont difficiles à remplir. Et si c'était là le véritable mal arabe? Dans La fin de l'histoire, Francis Fukuyamaý avait émis l'hypothèse que tout le monde musulman était un milieu impropre à l'incubation démocratique. Même des penseurs arabes à l'image du Marocain Mohamed Abed El Djabiri, ne s'est pas éloigné de cette analyse. Il a fallu attendre les suites de l'immolation d'Al Bouazizi en Tunisie pour que ces jugements soient, quelque peu, adoucis. Mais combien d'Al Bouazizi faut-il encore dans d'autres pays pour que la Ligue arabe soutienne les populations au lieu des dictateurs? En continuant à agir de la sorte, elle ne fait que laisser les puissances étrangères libres de leurs mouvements.