La légende Saddam Hussein s'est arrêtée là où elle a commencé. À Tikrit, sa ville natale. Sans gloire. En mettant en scène sa capture, les Américains n'ont pas seulement cherché à briser un mythe ni à relancer la campagne électorale de George W. Bush qui était en panne. Ils ont sans doute voulu faire passer un message clair à tous les Arabes et les musulmans : ceux qui chercheront à nous combattre finiront comme lui ! Reste un seul espoir pour les Arabes : son procès. Saddam Hussein, actuellement détenu au secret dans une prison de Bagdad, devrait être jugé dans les prochains mois, sans doute par un tribunal irakien, comme l'ont promis les Américains. Du déroulement de son procès vont dépendre plusieurs choses. D'abord, on connaîtra le degré d'indépendance de la nouvelle justice vis-à-vis de l'occupant américain et surtout la volonté ou non du nouveau pouvoir à Bagdad de tourner la page du passé et de construire un vrai Etat démocratique et juste. Tout le contraire de ce que fut le pays sous Saddam Hussein. Ensuite, les juges irakiens qui seront chargés du dossier de l'ancien dictateur auront-ils l'intelligence et le courage nécessaires d'organiser un vrai procès ? Celui attendu par le peuple irakien qui souhaite savoir pourquoi Saddam Hussein avait fait régner une telle terreur dans leur pays. Pourquoi les a-t-il affamés ? Pourquoi a-t-il gazé 5 000 Kurdes ? Pourquoi a-t-il ruiné son pays ? Celui attendu également par tous les Arabes et les musulmans : pourquoi par ses agissements, Saddam Hussein a fini par permettre aux Américains de s'installer sans doute définitivement dans la région stratégique du Moyen-orient ? Ce qui leur permettra de surveiller l'Iran tout en protégeant leur allié israélien. Qui l'a encouragé à déclarer la guerre au voisin iranien ? Puis à envahir le Koweït, avant de s'entêter à vouloir affronter tout seul une coalition militaire composée des armées les plus puissantes du monde ? Quelles furent ses relations avec les dirigeants occidentaux ? L'ont-ils, comme le suggèrent certaines sources, soutenu avant de le lâcher au moment où ses agissements devenaient trop dangereux? Il y avait en effet, dans l'empressement des dirigeants occidentaux à saluer la capture de Saddam Hussein, un curieux mélange d'hypocrisie et de remords. Après les ravages produits par la colonisation, on commence à peine à entrevoir les premiers effets du soutien de l'Occident à nos dirigeants. On l'a vu avec le désastre Saddam Hussein. On commence à le ressentir en Arabie Saoudite avec la montée en force du terrorisme. Ces mêmes terroristes, soutenus encore récemment par le régime wahhabite, avec la bénédiction des Américains, se retournent contre leurs parrains. Qu'en sera-t-il demain de l'Algérie, de la Tunisie, du Maroc, de l'Egypte… ? Un procès équitable de Saddam Hussein, dans lequel la défense aura tous ses droits, ne répondra sans doute pas avec précision à ces interrogations. Mais il éclairera en partie l'opinion publique arabe sur la nature des liens entre ses dirigeants et ceux de l'Occident. L. G.