L'Elysée, par «faiblesse» ou par «stratégie», a toujours cédé aux exigences d'Al Qaîda au Maghreb. Bruxelles n'a pas tardé à réagir aux déclarations du Quai d'Orsay faites par le biais de son ministre de la Défense Gérard Longuet, selon lesquelles la France ne craint pas Al Qaîda au Maghreb islamique. En effet, les propos du ministre de la Défense de l'Hexagone, faisant état que la France ne craint pas Al Qaîda et qu'elle est en liaison avec ses proches partenaires, afin d'identifier les mesures propres à éviter la dissémination d'armement, ne semblent pas épouser les convictions de l'Union européenne. Celle-ci ainsi que les Etats-Unis ont publiquement exprimé à plusieurs reprises leur préoccupation de voir Al Qaîda au Maghreb profiter du chaos libyen pour renforcer son armement. Ce qui est déjà un fait sur le terrain. La nébuleuse est en possession d'armes lourdes qui sont une menace pour la région du Sahel. Cette crainte a été exprimée encore une fois, lundi dernier à Bruxelles, par le coordinateur de la lutte antiterroriste de l'Union européenne, Gilles de Kerchove, pour ainsi contredire le ministre de la Défense de l'Elysée. Le coordinateur de l'UE a estimé que la nébuleuse «a eu la possibilité d'avoir accès à des armes, soit des petites armes, soit des mitrailleuses, soit des missiles sol-air qui sont très dangereux puisqu'ils rendent plus risqué le survol du territoire». Pour Gilles de Kerchove, «c'est un groupe qui s'africanise et cherche à étendre sa zone d'influence, dépassant le premier cercle du Sahel (Niger, Mali, Mauritanie) vers le Tchad, le nord du Nigeria et le Sénégal. Dans son intervention, le conférencier revient également sur le paiement des rançons en soulignant que «le groupe est d'autant plus dangereux que grâce à l'argent des rançons ou, indirectement du moins, des trafics de drogue, il cherche à s'incruster dans les populations locales car il fournit à celles-ci des services que le gouvernement de ces pays ne fournit pas». A l'évidence, le message du coordinateur de l'Union européenne est directement adressé à la France qui est en train de négocier la libération de ses quatre ressortissants détenus depuis la mi-septembre contre une éventuelle somme d'argent qui s'élèverait à 90 millions d'euros. L'Elysée, par «faiblesse» ou par «stratégie», a toujours cédé aux exigences d'Al Qaîda au Maghreb qu'il dit ne pas craindre et qui menace ses ressortissants. Ceci est pour dire qu'en plus du renforcement de la nébuleuse en armement à l'ombre de la guerre civile en Libye, la rançon qui sera remise aux ravisseurs d'Al Qaîda ne peut qu'encourager cette dernière à programmer d'autres kidnappings. Dans sa logique, la France élude à chaque occasion la question relative à la détention d'Al Qaîda au Maghreb d'armes lourdes. Ainsi, le ministre français des Affaires étrangères sans parler du renforcement de la nébuleuse à la faveur du conflit libyen, a estimé lundi qu'une réunion ministérielle, prévue mercredi et jeudi à Alger, témoignait «de l'inquiétude grandissante que suscite chez l'ensemble des acteurs la dégradation du contexte sécuritaire dans des régions aux besoins socio-économiques immenses». Cette conférence et non une réunion ministérielle à laquelle prendront part de grands experts américains de la CIA, du FBI et ceux du Pentagone ainsi que le Royaume-Uni, avec la présence de pas moins de 25 pays, traitera de la criminalisation de la rançon, de la circulation à outrance des armes au Sahel et du crime transnational. Le fait que la France occulte la question de l'armement d'Al Qaîda, dont elle est en partie responsable, est un aveu implicite. Notons que la conférence d'Alger témoigne, également, de la bonne foi et de la volonté collective à lutter efficacement contre le terrorisme et le crime transnational. A propos toujours de cette agora de haut niveau, Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, avait souligné qu'«une situation nouvelle a été créée par la crise libyenne, qui a favorisé la circulation d'armes».