Cap Djinet, Ben Choud, Bordj Menaïel et Dellys, des localités de la wilaya de Boumerdès où les vergers sont nombreux, sont ciblées. Aujourd'hui, elles riment avec racket Les populations des localités agricoles de Boumerdès vivent toujours sous la hantise du chantage des hordes terroristes. Elles sont rackettées ou alors menacées de mort. Mercredi 28 août. C'était la veille de l'Aïd. Pour certains, cette fête religieuse est porteuse de joie et de bonheur. Mais pour d'autres, c'est le spectre du diktat des terroristes. Sous la menace des Kalachnikovs des terroristes, ils sont soumis à la loi du racket. Baghlia, Oueld Ouarth, Zaouïa, Cap Djinet, Ben Choud, Bordj Menaïel et Dellys, des localités de la wilaya de Boumerdès où les vergers sont nombreux, sont ciblées. Ces localités étaient pendant longtemps synonymes de terreur. Aujourd'hui, elles riment avec racket. «Les groupes armés, sévissant sous la bannière de l'ex-Gspc, ne semblent pas près de renoncer à leur logique sanguinaire, notamment dans les wilayas de Boumerdès et Tizi Ouzou. Les populations de cette région vivent toujours sous la hantise de la violence terroriste. Elles sont rackettées et dépossédées de leurs biens», soutient A. Saïd, chef de file des groupes de patriotes dans la commune de Sidi Naâmane, une localité agricole limitrophe de la daïra de Baghlia. «Il y a même des associations de malfaiteurs qui profitent de la situation tragique des citoyens pour les rançonner et racketter», ajoute ce patriote de la première heure. Saïd, la soixantaine bien entamée, témoigne qu'il est souvent sollicité par des agriculteurs victimes du chantage des hordes terroristes, lui demandant conseil et orientation pour leur échapper. L'argent qui fait courir les terroristes «Les saisons des récoltes constituent les pires moments pour les agriculteurs, qui sont dans le viseur des malfaiteurs et des groupes terroristes», a-t-il expliqué aigrement, avant de souligner que les pauvres fellahs risquent à chaque fois de voir leurs vergers détruits, quand ils n'ont pas été kidnappés et dans le pire des cas assassinés s'ils refusent de verser les dîmes exigées par leurs assaillants. Pour racketter leurs victimes, les terroristes se présentent au domicile ou dans les champs. Certains cèdent sous la pression des groupes armés, d'autres non, selon Aâmi Saïd. «A l'époque, quand le terrorisme bombait le torse, les terroristes venaient pour collecter la djizia et la Zakat d'autant plus que la situation sécuritaire leur était favorable», raconte le patriote. Ce qui n'est pas, selon lui, le cas aujourd'hui, mais malgré cette amélioration, «l'inquiétude des paysans de cette région, pour ceux qui refusent de payer, est grande face aux risques de représailles allant du kidnapping jusqu'à la mort». D'autres témoignages ont soutenu que les terroristes, en quête de rançon et de djizia, semblent bien renseignés même sur les bénéfices financiers réalisés par des fellahs après la commercialisation de leur récolte et ils n'hésitent pas à brandir les preuves de leurs propos. Ainsi, selon des voix anonymes, il nous a été signalé que «des groupes armés harcèlent depuis quelques jours des propriétaires de surfaces agricoles situées dans la vallée du Sébaou, coincées entre Tizi Ouzou et Boumerdès, en fixant carrément le montant de cet impôt de captation». Ces pratiques, de l'avis de nombreux fellahs s'exprimant sous le sceau de l'anonymat, étaient courantes durant la fin des années 1990 surtout à l'ouest de la wilaya de Boumerdès où sont concentrés des vignobles et autres vergers. Des fellahs abandonnés à leur triste sort A Dellys et dans certaines communes de Boumerdès, la vigne est maîtresse des lieux. C'est aussi le gagne-pain des riverains dont la quasi-totalité est constituée d'agriculteurs et d'éleveurs. Des chemins serpentent le long de la côte, bordant les massifs drus de Zemmouri passant par Tagdamet jusqu'à Mizrana. Les actes terroristes perpétrés dans cette région, les kidnappings, les rackets ayant eu lieu notamment sur les routes qui y conduisent, l'ont rendue presque impénétrable et oubliée. En connaissance de cause, le vieux patriote nous fera savoir que plusieurs dizaines d'hectares de vignes ont été détruits à Dellys, Cap Djinet, Zaouïa, Ben Choud, Ouled Ouarth, Bordj Menaïel et Baghlia. Nombre de fellahs vivant avec la hantise du terrorisme, estiment qu'ils sont abandonnés à leur triste sort. Ils ne savent plus quoi faire, et certains ont même abandonné leurs vergers. Les exemples sont nombreux et vérifiables d'ailleurs. Une tournée dans ces localités renseigne sur le nombre des terres agricoles laissées en jachère par leurs propriétaires. Elles sont aujourd'hui envahies de broussailles alors qu'elles étaient jadis florissantes. Rien qu'à Baghlia, on a appris que plus de 1000 hectares ont été délaissés. «Il y a deux jours, les terroristes ont détruit 4 hectares de vignoble à Sahel, dans la daïra de Ben Choud, appartenant à un vigneron qui a refusé de verser aux terroristes 20 millions de dinars comme dîme», a précisé Saïd, avant d'ajouter que les vignerons de la wilaya de Boumerdès souffrent le martyre et en paient les conséquences la mort dans l'âme. Voici, donc, peste-t-il, le spectre des menaces, du chantage, du racket, des rapts qui plane sur les fellahs, éleveur et autres gros commerçants habitant les régions isolées. C'est dire qu'à l'évidence, les villages isolés de la wilaya de Boumerdès semblent être la proie des éléments armés, qui essaient de faire peser sur eux une chape de plomb. Pourtant, sur les lieux, les forces de l'ordre se sont déployées de manière à mieux contrôler la région et à empêcher les bandes de malfaiteurs et les groupes armés de faire des incursions dans les villages et hameaux. Mais à la moindre baisse de vigilance, les terroristes surgissent pour accomplir leur sale besogne. UN EX-EMIR TEMOIGNE Ayant profité des dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, l'ex-émir, Moh Lehmouti, originaire de la commune d'Afir, relevant de la daïra de Dellys, dans la wilaya de Boumerdès, n'a pas tari de réponses sur le phénomène des rapts, des rackets et demandes de dîmes aux agriculteurs, éleveurs et aux entrepreneurs. En connaissance de cause, l'ex-émir ayant sévi aussi bien à Mizrana, Akfadou et dans certaines localités de Boumerdès, a fait savoir que les nouvelles pratiques des groupes terroristes encore en activité, ne s'inscrivaient pas dans la logique de l'ex-GIA ou l'ex-Gspc. Car, ces ex-organisations dont il connaissait les tenants et les aboutissants avaient plutôt un autre idéal et d'autres objectifs, en l'occurrence détruire le système en place pour imposer un Etat islamique. Néanmoins, a-t-il expliqué, les hordes terroristes ayant opté de rester au maquis, après la réconciliation nationale, ont complètement changé de stratégie. Aujourd'hui, chaque groupe agit selon ses propres intérêts. D'où d'ailleurs, a-t-il indiqué, les divisions, les assassinats entre les différents groupes de terroristes. «Durant presque mes 20 ans de maquis, soit de 1994 jusqu'à 2006, dans les maquis de Boumerdès, Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira, en aucun cas j'ai entendu parler d'un kidnapping ou des groupes de l'ex-GIA ou de l'ex-Gspc ayant demandé des rançons ou des dîmes comme cela se fait ces dernières années», a soutenu l'ex-émir, avant de souligner qu'«aujourd'hui, ceux qui rackettent les citoyens et commettent des rapts courent après l'argent pour s'enrichir. Toutefois, ces pratiques ont vu le jour depuis que les groupes terroristes algériens ont prêté allégeance à Al Qaîda». Selon l'ex-émir, «le terrorisme a changé d'idéologie, il est devenu une forme de mercenariat. Une partie des éléments de l'ex-Gspc, a-t-il témoigné, sont partis au Sahel rejoindre Aqmi, tandis que d'autres sont restés dans les maquis du nord du pays où ils imposent leur diktat, selon leur propre volonté». «Ceux qui sont dans le maquis font plutôt des affaires, soit pour fuir ensuite le pays ou aider leurs familles à avoir une meilleure situation sociale», a-t-il signalé.