Si rien n'est fait, il pourrait bien y avoir un réseau qui s'étendrait de l'Afrique de l'Est au Maghreb. La menace terroriste en Afrique demeure omniprésente, elle est même très inquiétante, selon le général américain Carter Ham, Haut commandant d'Africom, actuellement abrité par le siège du commandement européen à Stuttgart en Allemagne. Ce même responsable souligne que «l'Afrique doit améliorer sa coopération pour lutter contre les extrémistes et se préparer à l'émergence possible d'un réseau de terroristes sur le continent qui prendrait pour cible la région et les Etats-Unis». Et de préciser dans ce même contexte: «Les pays d'Afrique du Nord font face à une menace croissante de groupes affiliés à Al Qaîda, qui cherchent à rassembler leurs forces». Cette menace a toujours constitué un fait pour les autorités militaires algériennes, qui n'ont pas manqué d'avertir sur une émergence des groupes terroristes dans la région depuis le conflit survenu en Libye et qu'une intervention militaire étrangère ne fera que compliquer la situation. Les forces de la coalition ont été sourdes aux avertissements de l'Algérie. Maintenant que le mal est fait, on cherche à redresser le contexte sécuritaire au profit de la lutte antiterroriste. Al Qaîda avait été considérablement affaiblie avant l'ingérence étrangère dans la crise libyenne, mais elle profitera pleinement de l'insécurité totale provoquée par la guerre civile en Libye pour enrichir davantage son arsenal d'armes, de munitions et d'explosifs, avec la complicité des insurgés libyens soutenus par l'Otan. Le haut responsable américain soutient d'ailleurs qu'«Al Qaîda est quelque peu affaiblie». Mais ajoute-t-il «ses branches locales, celles qui s'en réclament tout comme celles qui recherchent cette appartenance, paraissent prendre de l'ampleur. C'est ce que j'observe en Afrique et cela m'inquiète». Concernant ces branches, le Haut commandant d'Africom en cite trois, à l'évidence Al Qaîda au Maghreb Islamique, dont le noyau dur est en Algérie, l'organisation des Shebeb qui active en territoire somalien et enfin les membres de la secte nigérienne Boko Haram. Pour Carter Ham, «ces trois groupes constituent respectivement une menace non seulement dans leur pays d'origine mais aussi dans toute la région et les Etats-Unis», tout en rappelant que ces organisations ont très explicitement et publiquement exprimé leur intention de frapper l'Occident et averti sur une éventuelle alliance entre les trois organisations terroristes. A ce propos, le général estime: «Si l'on ne fait rien, il pourrait bien y avoir un réseau qui s'étendrait de l'Afrique de l'Est au Maghreb en passant par le centre du continent et le Sahel, et j'estime que cela serait très préoccupant.» Cette inquiétude est venue tardivement, du fait que ces organisations terroristes, notamment Al Qaîda, semblent avoir pris de l'avance, avec un retour aux attentats prenant pour cible les forces de sécurité, comme cela a été constaté en Algérie. Cette recrudescence est survenue à la faveur de la circulation d'importantes quantités d'armes lourdes dans toute la zone, subtilisées par les rebelles libyens et cédées aux réseaux terroristes qui utiliseront l'argent des rançons amassé auprès des Européens contre la libération des otages. Mercredi dernier, intervenant sur la chaîne d'information France 24, le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz confirme qu'un flux massif d'armements provenant de la Libye a été récupéré par la nébuleuse. Il affirme: «La Libye était un pays suréquipé et surarmé et tout l'arsenal que possédait le régime du colonel Mouamar El Gueddafi ou une grande partie, s'est volatilisé et s'est retrouvé sur les axes du Sahel, même des missiles sol-air». Il souligne encore: «Il y a un flux massif d'armements qui a quitté la Libye. Les terroristes qui sont dans la zone du Sahel en profitent». Dans ce même contexte, l'Algérie, qui partage avec la Libye 1000 km de frontière, avait tiré la sonnette d'alarme sur cette menace en dénonçant l'entrée d'armes conséquentes en provenance de la Libye. Lors de son intervention, le président mauritanien ne manquera pas de souligner, tout en regrettant: «Nous allons continuer nos opérations autant que besoin se fera. Il existe plus de liens entre les terroristes du Maghreb, qu'entre les Etats du Maghreb entre eux.» Il va sans dire que le contexte d'insécurité qui prévaut aujourd'hui dans la zone tire son origine d'une insurrection réactionnaire armée contre le guide libyen El Gueddafi. La communauté internationale est restée aveugle et sourde aux conséquences engendrées et même au génocide contre le peuple libyen et africain, par un CNT qui a pris naissance en 48 heures. Nul n'ignore que ledit CNT qui dirige les rebelles regroupe en son sein plusieurs membres d'Al Qaîda au Maghreb. En éludant cet aspect, les Occidentaux sont devenus l'allié de l'ennemi d'hier. C'est l'odeur du pétrole et les contrats de reconstruction de la Libye qui ont systématiquement motivé les ambitions occidentales. Cependant, depuis plusieurs jours, on taxe le CNT d'islamisme voulant appliquer la Charia et Amnesty International souligne dans son rapport que ceux qui se font appeler les révolutionnaires ont commis des crimes de guerre. Pour des stratèges de la question sécuritaire et des politologues, on est en train de réunir les raisons pour une probable invasion militaire terrestre. Pour eux, le rapport d'Amnesty a été conçu pour cacher les crimes de l'Otan contre la population libyenne, et en contrepartie ce sont les rebelles qui vont tout encaisser et dans peu de temps ils seront ciblés pour être accusés de terroristes qui activent au profit d'Al Qaîda. Sous prétexte de combattre le terrorisme, on trouvera là un très bon argument pour y installer des bases militaires. Et pourquoi pas puisque les Américains expriment de plus en plus leurs inquiétudes quant à la menace terroriste en Afrique et qui pourrait les atteindre, une base d'Africom?