Pour la première fois, le roi a admis implicitement que son pouvoir est chancelant face aux coups de boutoir des islamistes intégristes. Attendu depuis de nombreux jours, voire semaines, le discours du trône est venu confirmer que le Maroc ne lâchera pas prise concernant la question du Sahara Occidental, quitte ce faisant, à défier les instances onusiennes, à demeurer sourd aux appels du président algérien et à contredire les propres démarches censées être préconisées par le régime chérifien. Dans son discours d'hier, même si le roi n'a accordé que quelques lignes au sujet dans un texte de 9 feuillets pleins, il n'en pousse pas la pression jusqu'à lancer un défi à peine déguisé au Conseil de sécurité de l'ONU, appelé à se réunir aujourd'hui autour du plan Baker, relatif à cette affaire. «Nous affirmons que le Maroc a clos, au niveau interne, la question de la récupération de ses provinces du Sud (le Sahara occidental) et qu'il se tient mobilisé, avec toutes ses forces pour défendre son intégrité territoriale». Il ne s'agit rien que d'un cas d'école de l'application absolue de la politique du fait accompli. Le roi suggère qu'il serait prêt à défendre militairement ces terres qui ne lui appartiennent pas au cas où le Conseil de sécurité lui demanderait de s'en retirer une fois, tenu le référendum d'autodétermination. Ce qui étonne, surtout, c'est que le roi, tout en agissant de cette façon condamnable, suivant le droit international, continue de faire mine de s'accrocher à certaines valeurs universelles. Mohammed VI indique ainsi vouloir «renforcer les relations (de son) pays avec ses voisins immédiats, en premier lieu (ses) frères de l'Union maghrébine». Mohammed VI n'en ajoute pas moins, en guise de défi à la position légaliste algérienne que cette relation ne «peut être édifiée sur une base saine sans que soit trouvée une solution politique et définitive au conflit, créé autour de nos provinces du sud, et ce, dans le cadre de notre souveraineté nationale et de notre intégrité territoriale». Le plus grave, sans doute, c'est que cette sortie intervient à la veille de la réunion du Conseil de sécurité autour de cette question, alors que les positions de tous les membres demeurent fermement favorables au plan Baker, face à la France qui continue, seule contre tous, à défendre la politique colonialiste du Maroc. La sortie, en outre, représente une sorte de réponse indirecte au message de félicitations du Président Bouteflika, adressé mardi, tard dans la soirée, au souverain marocain. Dans sa lettre, en effet, le président Bouteflika, tout en réitérant les remerciements du peuple algérien devant l'aide apportée aux sinistrés du séisme du 21 mai passé, le chef de l'Etat n'a pas laissé d'exprimer de nouveau «sa volonté permanente d'oeuvrer ensemble à l'unification des rangs et au raffermissement des relations de coopération et de complémentarité entre nos deux pays», ajoutant, demeurer «attaché indéfectiblement à la relance de l'édification de l'Union maghrébine, notre choix stratégique qui reste notre préoccupation majeure et notre aspiration aux côtés des dirigeants des pays de notre Grand Maghreb Arabe». Il réapparaît ainsi que le Président algérien ne pose toujours pas de préalables à la relance de cette édification alors que le Maroc, lui, continue d'exercer un chantage à tous les Etats du Maghreb par rapport à la question d'autodétermination du peuple sahraoui. La fête du trône marocain intervient cette année dans des conjonctures très particulières. Jamais, sans doute, le pouvoir du descendant des Alaouites n'a été aussi chancelant. Même si cet événement, majeur dans la vie des sujets et du régime marocains, intervient à la veille du vote du Conseil de sécurité du plan Baker de règlement de la question sahraouie, le roi Mohammed VI n'en a pas moins réservé quasi exclusivement son intervention au «terrorisme islamiste» en train de miner le pays, ainsi qu'aux ouvertures démocratiques en cours, dans le but de créer le maximum de soupapes de sûreté face à un peuple de plus en plus désespéré, se jetant à qui mieux-mieux dans les bras de l'intégrisme islamiste. Pour la première fois, Mohamed VI admet la progression alarmante de la misère, et met en avant son «impuissance» devant le manque d'entrain et de compétence des responsables nommés par lui. Quoique de manière implicite, c'est la première fois que le souverain marocain reconnaît la gravité des dangers qui menacent le trône et tout le régime «chérifien». Le souverain marocain, en effet, ne s'est pas arrêté de dénoncer la violence, ni l'intégrisme islamiste. Il est, au contraire, entré en polémique avec les tenants de cet islamisme jadis encouragé par feu Hassan II pour affaiblir l'Algérie. Le souverain marocain, qui a en outre procédé au remplacement de son DG de la Sûreté nationale, admettant par là, que sa politique sécuritaire est loin d'être au point, n'en avoue pas moins que le risque est surtout d'ordre idéologique puisque le «Commandeur des croyants» s'est vu forcé d'entrer en scène pour demander à ses «sujets» de ne pas suivre ces terroristes. Mohammed VI indique à ce propos que «le Commandeur des croyants étant l'unique référence pour la nation marocaine, aucun parti ou groupe ne peut s'ériger en porte-parole ou en tuteur de l'Islam». Ce que, précisément, Mohammed VI fait sans même s'en rendre compte, sous l'effet de la panique sans doute. L'ampleur de ce phénomène qui touche de plein fouet le royaume, se mesure, il faut le dire, aux centaines de terroristes avérés ou présumés, jugés depuis quelques mois dans le cadre de la traque aux activités subversives des groupes de la «Salafiya Djihadiya» et «Hidjra Oua Takfir».