les possibilités de se distraire pour la majeure partie des Algériens sont plutôt rares. Rarissime, il y a quelques décennies, le suicide est devenu, en ces temps de grisaille ambiante, un phénomène que l'on découvre, avec effarement, en parcourant la rubrique des faits divers de nos journaux favoris. Une question vient, souvent, à l'esprit : qu'est-ce qui conduit, aujourd'hui, des Algériens à en arriver à cette dernière extrémité? Quoique les raisons qui amènent des personnes à mettre fin à leurs jours soient, très rarement, expliquées, il ne fait pas de doute que la situation, extrêmement difficile, que traverse l'Algérie, au plan social particulièrement et l'absence de toute perspective qui en résultent pour un très grand nombre de citoyens, expliqueraient, dans une large mesure, une situation qui a tendance à s'amplifier d'année en année. A coté de ces Algériens qui décident, du jour au lendemain, de cesser de jouer au jeu de la vie, ils sont, de plus en plus nombreux, à travers la majeure partie du pays, ceux qui continuent à se consumer à petit feu, par le biais de la drogue qui cause, par ailleurs, de sérieux ravages au sein de la population juvénile algérienne. Les politiques qui axent, le plus souvent, leurs discours sur la résolution des épineux problèmes du chômage et de l'habitat, auxquels, en dépit de leurs promesses répétées, ils n'ont jamais su apporter des solutions convenables, feignent d'ignorer que leurs concitoyens ont, en plus du besoin de se nourrir et de vouloir, légitimement, posséder un emploi et un logement, également à coeur de vouloir se distraire et de rêver. En dehors du football, proclamé «sport roi» et auquel les jeunes s'adonnent sur le moindre terrain de fortune qu'ils ont la chance de dénicher ou, durant la saison estivale, des joies de la baignade dans des eaux, le plus souvent polluées, pour ceux qui résident à proximité de la mer, les possibilités de se distraire pour la majeure partie des Algériens sont plutôt rares. En dehors de la télévision et des quelques fêtes où elles ont la chance d'être invitées à l'occasion d'un mariage ou d'un baptême, les , en particulier, confinées pour la plupart à la maison, n'ont, pratiquement, aucune possibilité de se distraire ou de s'amuser. Les rares spectacles organisés, le plus souvent, au niveau des grands centres avec, à l'affiche, des artistes nationaux ou étrangers, ne ciblent qu'une infime partie de la population compte tenu, surtout, de l'extrême cherté des prix des billets qui peuvent atteindre 1000 à 1500 dinars. Dans la plupart des gouvernements qui se sont constitués dans notre pays, il a, de tout temps, été inclus un ministère de la Culture appuyé, au niveau de chaque wilaya, d'une direction des affaires culturelles chargés, en principe, de susciter la création d'activités culturelles de qualité répondant aux besoins du plus grand nombre de citoyens. En dépit de la présence de ces institutions, depuis de nombreuses années, déjà, le cinéma algérien qui brillait dans la plupart des festivals organisés à travers le monde, pour la qualité de ses productions, est devenu l'ombre de lui-même. Il en est de même pour le théâtre dont les acteurs ont été réduits au chômage et à la pauvreté ou poussés à aller chercher fortune sous d'autres cieux. Dans le même temps, la majeure partie des salles de cinéma implantées à travers le pays a été fermée. A titre d'exemple, sur les 90 salles existant, au lendemain de l'indépendance, dans la capitale et sa proche périphérie, moins d'une vingtaine, dont certaines ont été transformées en véritables bouges, sont encore en activité. On pourrait également signaler la fermeture, pour des raisons obscures, de ces nombreuses bibliothèques municipales dont les livres ont été éparpillés et dont les locaux abritent, pour la plupart, aujourd'hui, des activités commerciales. Que dire, aussi, de la disparition de ces nombreux ciné-bus qui, par le passé, allaient dans les régions les plus reculées, apporter joie et gaîeté à des populations sevrées de toute distraction. Où sont passés, sur un autre plan, les nombreux festivals de musique andalouse, chaâbie, folklorique ou de chi'r el melhoun organisés, régulièrement, à l'intention de leurs nombreux admirateurs. La rareté des activités culturelles est une situation, que d'aucuns ne manquent pas, chaque fois, d'imputer à la «situation sécuritaire» alors que les Algériens ont, autant que de pain et d'eau, besoin de se distraire, de rêver, en un mot, de s'éclater. Nombre de salles omnisports réalisées à grands frais sont, actuellement, fermées ou sous-exploitées quand elles ne servent pas, le plus souvent, à accueillir des «quinzaines commerciales», faute de budgets de fonctionnement ou de l'absence d'animateurs dynamiques et créatifs. Le développement de l'Internet et les ouvertures, de jour en jour, plus importantes de «cyber-cafés», ont permis à nombre de jeunes possédant quelques moyens financiers, de trouver là, un outil nouveau leur permettant, tout a la fois, de se divertir, de s'instruire et de communiquer, par delà les frontières, pour oublier leur difficile quotidien. Pour la grande majorité de ces Algériens qui rêvent d'aller vivre sous d'autres cieux, le règne de la mal vie, de la hogra et du «dégoûtage» a, encore, de beaux jours devant lui.