Chypre a annoncé hier avoir lancé des opérations d'exploration de gaz en Méditerranée et la Turquie a menacé de lancer immédiatement ses propres recherches sous escorte militaire. La compagnie américaine Noble Energy a lancé l'exploration de gaz au large de Chypre, a annoncé hier le directeur des services chypriotes de l'Energie, Solon Kassinis, à l'agence locale CNA. Selon M. Kassinis, les forages ont commencé dimanche soir sur la plate-forme Aphrodite, dans la zone économique exclusive chypriote. Plus tôt dans la journée, le ministre turc de l'Energie Taner Yildiz, a prévenu que son pays riposterait à une telle opération au large de l'île divisée depuis 1974 entre communautés grecque et turque. «Si la partie grecque respecte le calendrier qu'elle a annoncé (pour lancer des explorations), nous nous autoriserons nous aussi à lancer dès la semaine prochaine des travaux de sondage» pétroliers et gaziers, a déclaré M. Yildiz. «La marine turque pourrait escorter les navires d'exploration sismique», a-t-il menacé. L'UE a aussitôt appelé Ankara à la retenue. «En ce qui concerne les forages pétroliers, nous avons, d'une manière générale, dit que nous appelions la Turquie à s'abstenir de toute sorte de menace, ou sources de frictions, ou d'actions qui pourraient affecter de manière négative» ses liens avec Chypre, a déclaré Maja Kocijancic, une porte-parole de la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton. Ankara s'oppose à ce que la République de Chypre (internationalement reconnue) lance des opérations d'exploration, arguant que les autorités chypriotes-grecques (qui ne contrôlent que le sud de l'île) n'ont pas le droit d'exploiter les ressources naturelles de Chypre tant que celle-ci n'est pas réunifiée. La compagnie pétrolière turque Tpao est prête à se déployer dans les eaux au nord de Chypre après un accord entre Ankara et la République turque de Chypre du nord (Rtcn, reconnue par la seule Turquie) sur le tracé des frontières maritimes, a encore déclaré le ministre. Ankara a signé avec une compagnie norvégienne, dont il n'a pas dévoilé le nom, un accord pour des «travaux sismiques», a-t-il dit. Nicosie affirme que l'exploration de gaz profite à tous les Chypriotes, et a signé avec Israël un accord délimitant les zones économiques exclusives entre les deux pays en Méditerranée, afin de continuer à rechercher ensemble des gisements sous-marins dans de gigantesques réserves de gaz localisées dans cette région. Mais les rapports entre Ankara et Israël sont actuellement exécrables, ce qui complique davantage la situation. Les relations bilatérales sont arrivées au bord de la rupture à cause de l'attaque israélienne contre un navire turc, en 2010, au cours de laquelle 9 Turcs ont été tués. Ankara, qui réclame des excuses formelles, a expulsé l'ambassadeur israélien et suspendu ses accords militaires avec l'Etat hébreu. Lors d'un entretien le 9 septembre à la chaîne de télévision Al Jazeera, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan avait mis en garde Israël, sur sa coopération énergétique avec Chypre. «La Turquie sera ferme sur son droit à contrôler les eaux territoriales dans l'est de la Méditerranée» et «a entrepris des mesures pour empêcher Israël d'exploiter unilatéralement les ressources naturelles» de cette région, avait-il dit. La Turquie, pays émergent qui aspire à intégrer l'UE et qui dispose de peu de ressources énergétiques, a menacé de «geler» ses rapports avec l'Union si une solution n'est pas trouvée à la division de Chypre, lorsque la présidence tournante de l'UE reviendra à la République de Chypre, en juillet 2012. «Nous allons entreprendre très prochainement, peut-être cette semaine, ces travaux dans notre zone économique exclusive», a dit le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan à la presse. M.Erdogan a regretté que Chypre ait entamé des explorations en mer «dans des zones contestées» et insisté sur le fait que ces zones seraient «sous la surveillance constante» de l'aviation et de la marine turques.