Les milliards de dinars qui ont été dépensés sans compter pour réduire la fracture sociale n'ont pas atteint l'objectif assigné. Les augmentations de salaires, conséquentes, dont ont bénéficié plusieurs catégories de fonctionnaires (enseignants, policiers, douaniers...) se sont faites dans le sillage d'une flambée des prix sans précédent qui a annihilé en définitive, les efforts consentis par les pouvoirs publics afin de revigorer le pouvoir d'achat. Pour les catégories sociales les plus fragiles aux revenus modestes, les retraités et en l'occurrence, les citoyens qui ne subsistent que grâce aux aides de l'Etat, c'est le calvaire en permanence. Les logements, qui ont été distribués par milliers aux mal-logés pour éradiquer les bidonvilles et les habitations précaires et du coup améliorer le cadre de vie des bénéficiaires, ont eu pour conséquences de soulever la colère de citoyens mécontents au point de transformer ce type d'opération en émeutes qui se sont généralisées à travers l'ensemble du territoire national. Les langues se délient pour qualifier ces opérations de douteuses. Elles remettent en question et jettent un doute sur cette mission essentielle de l'Etat qui consiste à mettre en oeuvre une politique de justice sociale pour réduire les inégalités. Ces prises de décisions, qui sont devenues des priorités du gouvernement, sont-elles adaptées au contexte économique actuel? La brutalité avec laquelle l'économie algérienne est passée d'une économie planifiée, basée entre autres sur une politique d'assistanat tous azimuts, à une économie de marché dont les leviers sont encore mal maîtrisés, a laissé des traces. Les vieux réflexes ont l'air d'avoir la peau dure: les pouvoirs publics continuent d'injecter des sommes d'argent colossales pour faire émerger une société plus juste. On a cependant, la nette impression que plus elles sont distribuées, fort généreusement, plus les revendications prennent de l'ampleur. Certaines sont mal perçues, à l'instar des augmentations des pensions des anciens moudjahidine, salariés par ailleurs il faut le souligner. Cette générosité de l'Etat ne doit son existence que grâce aux recettes en devises engrangées par les exportations des hydrocarbures qui constituent près de 98% de l'ensemble des exportations de l'économie algérienne et à une envolée des prix du pétrole historique, plus de 147 dollars à New York au mois de juin 2008. La fabuleuse manne financière, qui s'est dégagée, ne doit pas occulter cette conjoncture économique extrêmement favorable, bien éphémère, qui peut virer au cauchemar du jour au lendemain. Cela renseigne sur l'étroite dépendance de l'économie algérienne, qui remet en cause la politique sociale et de soutien des prix du gouvernement. Celui-ci, accordé aux commerçants et aux importateurs de certains produits de première nécessité (huile, sucre, lait...), est fortement critiqué. Il n'a pu ni remédier à la dérégulation du marché ni venir à bout des spéculateurs qui y règnent en maîtres et le dominent au point de faire la pluie et le beau temps pour uniquement faire saigner le citoyen aux quatre veines. C'est le cas encore actuellement, pour les fruits et légumes mais surtout pour l'huile et le sucre dont les prix qui ont flambé ont tourné à l'émeute au mois de janvier de l'année en cours. Des «dysfonctionnements» ont été relevés par la commission parlementaire chargée d'enquêter sur ces dramatiques événements. «La subvention des prix de certains produits de large consommation (huile, sucre, blé et lait), qui profite à tous (nationaux ou étrangers), constitue une lourde charge pour le Trésor public. Cette aide doit profiter directement aux catégories sociales à faible revenu et nécessiteuses», a recommandé son président, Kamel Rezki (Voir l'Expression du 19 septembre). Des indications précieuses pour la prochaine tripartite qui doit se tenir le 29 septembre prochain et qui apporteront probablement de l'eau au moulin de l'Union générale des travailleurs algériens. Une vague sur laquelle devrait surfer allègrement Sidi Saïd, son secrétaire général. Les milliards de dinars qui ont été dépensés sans compter pour réduire la fracture sociale n'ont pas atteint l'objectif qui leur a été assigné: apaiser un front social en constante ébullition. Le gouvernement ne peut rester éternellement otage de sa politique d'assistanat.