Dans L'opium et le bâton, l'un des protagonistes du film inspiré du roman de Mouloud Mammeri, s'adressant à son frère moudjahid, sur le point de consentir le suprême sacrifice, lui crie à un moment donné : «Ali, meurt debout!» Il utilisait, ce faisant, une expression populaire qui signifie qu'en toute circonstance, et face à l'adversité, tout être se doit de rester conséquent et digne. Quand on observe, de près, la scène politique algérienne, on est sidéré devant la facilité avec laquelle des hommes politiques et des syndicalistes de tous poils en arrivent, en un tournemain, à changer de fusil d'épaule, aussitôt qu'ils commencent à sentir que le vent est en train de tourner et que la personne qu'ils portaient, jusqu'alors, à bout de bras, est sur le point de quitter la table. Dans la perspective de la prochaine élection présidentielle, qui s'annonce houleuse, il n'y a qu'à observer le jeu, pour le moins pervers, de ces nombreux «Comités de soutien au Président Bouteflika» qui, un à un, comme ces rats qui quittent le navire à la veille d'un naufrage, font défection à un chef d'Etat qui n'a pas, encore, jeté les gants et qui semble, tout au contraire, décidé à en découdre, pour décrocher un second mandat. On se rappelle, aussi, avec quel toupet des députés du RND, qui étaient, dans le passé, embusqués dans les rangs du FLN, se sont, de nouveau, empressés de faire allégeance au parti de Benflis, dont ils pensent qu'il sera, sans nul doute, le prochain chef de l'Etat. On se souvient, également, des distances prises, du jour au lendemain, par le secrétaire général de l'Ugta, M.Sidi Saïd, vis-à-vis de l'actuel locataire du palais d'El-Mouradia considéré, désormais, comme un mauvais cheval, en faveur duquel il avait, pourtant, utilisé tous les moyens de la Centrale pour inciter les Algériens à appuyer sa candidature à la présidence de la République. Par ailleurs, Ahmed Ouyahia, chef de file du RND, installé à la tête du gouvernement par le Président Bouteflika, a longtemps hésité avant de se décider, maintenant, à faire cavalier seul, compte tenu des chances qu'il aurait d'occuper, le moment venu, les locaux de la présidence de la République. L'histoire, ironie du sort, a souvent tendance à se répéter. On se souvient, en effet, dans quelles conditions le président Chadli Bendjedid, avait été amené à quitter la direction du pays, et comment il avait, pas la suite, été traîné dans la boue puis accusé d'avoir été à l'origine de la «décennie noire» par ceux là mêmes qui s'étaient, sous sa direction, très largement nourris, entre autres, des retombées financières du Programme antipénurie (PAP), initié durant son mandat. Des exemples de ce type, les Algériens qui en payent, aujourd'hui, les retombées néfastes, en connaîtront aussi longtemps que ne se fera pas jour un mouvement salvateur de moralisation de la vie publique. En attendant, il semble qu'ils vont continuer à observer ces curieuses pratiques des acteurs de la vie politique dans notre pays oubliant, semble-t-il, que les hommes qui président, actuellement, au règne d'une Algérie ouverte au libéralisme économique sont ceux-là mêmes qui, il n'y a pas si longtemps, lui vantaient les vertus de l'économie socialiste. Bien sûr, diront d'aucuns, pour reprendre une autre expression populaire: «Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas.»